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VARIÉTÉS.

vouloir les acheter. J’en vis une d’environ quinze ans, dont on proposa l’acquisition à un vieux Turc ; cet homme mania ses épaules, ses jambes, ses oreilles, examina sa bouche, son cou, à peu près comme on examinerait un cheval… »

Le docteur ne dit point où se passait cette scène ; quant à nous, nous ne connaissons pas un seul lieu en Turquie où un musulman, soldat ou autre, se permît d’insulter publiquement à la pudeur, en maniant une femme comme un cheval, sans courir le risque d’être lapidé sur la place. Dans aucun pays du monde, la décence extérieure n’est aussi religieusement respectée ; c’est une loi qui a pénétré si profondément dans les mœurs turques, qu’une femme, quelle qu’elle soit, libre ou esclave, est sacrée pour cette foule d’hommes qui se croisent en tous sens dans les rues et dans les bazars, et que celle qui recevrait de l’un d’eux la moindre offense trouverait à l’instant mille défenseurs. Remarquons que, suivant le narrateur, les filles grecques étaient examinées par chaque soldat libertin, ce qui revient exactement à l’idée de son titre, c’est-à-dire du marché public. Et c’est un vieux Turc, qu’il choisit pour donner ainsi, coram populo, ce spectacle de scandale et d’immoralité !

Dans le long commérage qui remplit le chapitre intitulé : Turcs petits-maîtres, on lit ce qui suit :

« Il a été élevé au sérail, et c’est par la route de l’infamie qu’il est parvenu aux honneurs. D’esclave il devient membre du ministère ou gouverneur d’une province. »

Voilà un homme déclaré infame parce qu’il est élevé suivant les usages et les lois de sa nation. En quoi consiste cette infamie ? En ce qu’il a été esclave ; mais comment un médecin qui prétend avoir été initié, en cette qualité, à tous les secrets de la vie turque, peut-il se méprendre si lourdement sur ce terme d’esclave ? Il se représente, et c’est une preuve qu’il n’a rien vu, l’un des nègres des Antilles ; mais là encore, l’infamie n’est pas pour l’esclave ;