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VARIÉTÉS.

manière absolue, sans vouloir admettre aucune des considérations générales qui s’y rattachaient.

« Je parle aussi franchement des Grecs, parce qu’en 1825 j’ai partagé jusqu’au délire l’opinion générale, que j’ai plus consulté mon enthousiasme que ma fortune, pour les quêtes et les dons, et qu’enfin une lettre pleine de sagesse de M. le comte de St-Aulaire, président du comité grec à Paris, dont l’original est encore entre mes mains, cette lettre m’empêcha de faire l’insigne folie de courir avec mon fils aux murs de Missolonghi ou aux champs de la Morée. Non seulement mon enthousiasme se refroidit à Paris par la connaissance de quelques calculs spéculatifs qui en sont l’antidote ; mais depuis mon séjour à Marseille et mon voyage en Afrique et en Asie, cet enthousiasme s’est éteint. Il a été remplacé par une juste estime pour le caractère de ces Turcs qu’on nous peignait si sauvages, si cruels, et qui, dans une occasion bien récente encore, la déplorable affaire de Navarin, ont tenu une conduite dont la prudence, l’humanité et la sagesse honoreraient les nations les plus civilisées de l’Europe. Je suis sur les lieux, je vois, j’entends et je compare, et chaque jour je m’applaudis d’avoir eu l’occasion de m’éclairer. C’est avec transport que j’emploie ma plume à réparer une injustice causée par une opinion sans preuves, erreur commise non-seulement par moi, femme, mais journellement par tant d’hommes du plus grand mérite, et surtout par des auteurs qui tracent dans leurs cabinets, à Paris ou à Londres, le tableau des mœurs et du caractère des Persans, des Indiens, des Grecs, des Arabes et des Musulmans. J’écris sur les lieux et sans flatterie, sous la seule influence de la justice et de la vérité, et je tâcherai par quelques faits authentiques, de rendre évidentes pour mes lecteurs les causes qui ont, à ce point, changé mon opinion sur les Turcs et les Grecs, me montrant juste et impartiale pour l’une et l’autre nation, etc., etc…

Ida Saint-Elme.