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LETTRES SUR L’INDE ANGLAISE.

Dans le désir de régulariser la tenue de ses troupes, le général en chef publia un réglement qui mettait toutes les castes sur un même pied d’uniformité et leur interdisait les boucles d’oreilles. Bonaparte les avait tolérées dans ses armées, et son exemple pouvait faire loi. Mais en tout état de choses, avant de vouloir innover, il aurait fallu connaître les mœurs de l’Inde. On aurait su qu’aux yeux des Mahométans, ces boucles étaient des amulettes attestant la pieuse ferveur de celui qui les portait, et sa reconnaissance des secours qu’il en avait reçus. C’était déjà beaucoup oser, et cependant on ne s’arrêta point encore. Un ordre du jour prescrivit un nouveau bonnet militaire, d’une forme inconnue dans l’Inde et semblable aux shakos des Européens. On prit des mesures actives pour l’exécution de ces ordonnances qui furent promulguées à la fois dans toute l’armée. Le régiment de Madras, le premier, refusa de s’y soumettre. Les rebelles furent immédiatement passés par les armes, et le régiment, par punition, relégué à Wellore. Mais à peine s’était-on flatté d’inspirer la terreur par ces actes de sévérité, que des rapports arrivèrent de toutes parts sur le mécontentement général. On voulut, mais trop tard, revenir sur ces funestes réglemens. Le 10 jullet 1806, la garnison de Wellore, composée de deux régimens, se souleva contre les six compagnies anglaises du 69e qui s’y trouvaient incorporées, en massacra la plus grande partie, et, s’échauffant de plus en plus à la vue du sang, égorgea même ses propres officiers.