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ARCHIVES HISTORIQUES.

sent généralement la race indienne, et qui est à leurs yeux le prétexte et l’excuse de leurs mépris. Je ne veux point faire ici de l’érudition, ni me rejeter dans l’antiquité pour vous apprendre qu’Annibal, Juba, Asdrubal, et quelques millions de Carthaginois ont fait pourtant un certain bruit dans le monde, quoiqu’ils n’eussent pas le teint tout-à-fait aussi blanc qu’un Anglais. C’est dans l’histoire même du pays que vous parcourez en ce moment, et dans son histoire contemporaine que je puiserai mes exemples. Cette marche, que je suivrai fréquemment à l’avenir, vous rendra, je pense, mes observations plus sensibles.

Pendant longues années, la construction des vaisseaux a été entièrement confiée à un indigène nommé Jemsejee, qui de simple charpentier s’était rapidement élevé au rang des plus habiles ingénieurs. Ce fut lui qui lança en 1800 la première frégate, construite à Bombay, pour le service de Sa Majesté ; c’était un beau et magnifique bâtiment. Le gouverneur et un nombreux État-major assistèrent à cette solennité, dont Jemsejee résolut de rendre le souvenir durable. Il descendit dans la cale et y grava avec la pointe de son poignard ces paroles remarquables : « Ce vaisseau a été construit, par un misérable homme noir, l’an 1800. » Cette inscription resta long-temps inconnue, et ce ne fut que quelques années après que Jemsejee lui-même la rendit publique.

Ce fut encore lui qui lança le Minden, de 74, qui, à son arrivée à Portsmouth, fut soumis au plus sé-