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VOYAGE AUTOUR DU MONDE.

par le défaut d’équilibre, s’oppose lorsqu’ils veulent éviter le danger qui les presse, à ce qu’ils puissent fuir sans tomber continuellement. C’est alors qu’on les voit se culbuter, se relever pour retomber, et qu’ils sont réduits à employer leurs ailes informes, comme un point d’appui, qui aide à leur reptation plutôt qu’à leur marche. Parvenus à la mer, ils s’y précipitent ; mais, là ils se trouvent dans leur véritable élément. Autant l’allure disgracieuse qui les caractérise, était gênée sur la terre, autant ils savent plonger avec aisance, nager avec prestesse, s’élancer par bonds, et c’est alors qu’ils semblent, par leur assurance, défier l’ennemi qui se montrait si dangereux quelques instans auparavant.

La stupidité de ces oiseaux est telle, que les matelots en massacraient un grand nombre, sans que ceux qui se trouvaient à leurs côtés parussent éprouver la moindre crainte. Leur défiance ne leur vint qu’après des scènes répétées de destruction. C’était avec des bâtons qu’on les frappait impitoyablement, et qu’on tua beaucoup de ces pauvres animaux sans but et sans utilité. La vie est cependant chez eux très-tenace, et j’en ai vu fort souvent qui semblaient assommés, et qui ne donnaient aucun signe de vie pendant plus de dix minutes, se ranimer peu à peu, et fuir le sort qui leur était réservé. Surpris dans leur course gênée, les manchots ne cherchent pas toujours à échapper au péril qui les menace ; ils s’arrêtent parfois, essaient de l’affronter, et avec leur bec robuste s’efforcent, en s’élançant