Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 1.djvu/291

Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
DESCRIPTION DE TEMBOCTOU.

n’avais qu’une valeur réelle de trente-cinq piastres en marchandises, que je réservais pour me procurer un chameau, afin de me rendre sur les bords de la mer, soit en passant par le grand désert, soit en retournant à l’O. J’avoue que la traversée du Sahara, dans une saison aussi sèche, m’effrayait beaucoup ; je craignais de ne pouvoir supporter, avec aussi peu de moyens, les privations et les fatigues, augmentées par un vent brûlant, qui règne continuellement, et rend la chaleur accablante. Cependant, après de mûres réflexions, je me décidai définitivement à surmonter les dangers auxquels la grande sécheresse m’exposerait, et à m’aventurer avec une caravane dans les sables mouvans du désert. En effet, je pensais que, si j’effectuais mon retour par Ségo, Sansanding et nos établissemens de Galam, les envieux du succès d’un voyage dont l’entreprise m’avait fait déjà tant d’ennemis, révoqueraient en doute mon arrivée et mon séjour à Temboctou, au lieu qu’en revenant par les états barbaresques, le point de mon arrivée imposerait silence à l’envie.

Sidi-Abdallahi me donnait tous les jours de nouvelles marques de son bon cœur ; il alla même jusqu’à m’engager à rester à Temboctou ; il me donnerait, disait-il, des marchandises pour faire le commerce à mon compte, et quand j’aurais fait des bénéfices, je pourrais retourner dans mon pays sans le secours de personne. Les craintes que j’avais d’être découvert, jointes au désir de revoir ma patrie, m’engagèrent à refuser ses généreuses