Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 1.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.
275
DESCRIPTION DE TEMBOCTOU.

Le commerce de Temboctou est considérablement gêné par le voisinage des Touariks, nation belliqueuse, qui rend les habitans de cette ville tributaires. Ces derniers, pour avoir leur commerce libre, leur donnent, pour ainsi dire, ce qu’ils demandent, indépendamment du droit que paient les flottilles à leur arrivée à Cabra ; s’ils se refusaient à les satisfaire, il en résulterait des inconvéniens fâcheux, parce que les Touariks sont très-nombreux, et assez forts pour interdire toutes les communications entre Temboctou et Cabra : alors cette ville, qui n’a par elle-même aucune ressource en agriculture, se trouverait réduite à la plus affreuse disette, ainsi que les pays qui l’avoisinent. Les Maures ont pour les Touariks un profond mépris ; et quand ils voulaient m’exprimer toute la haine qu’ils avaient pour ces peuples, ils les comparaient aux chrétiens, qu’ils croient aussi vagabonds qu’eux. Je m’empressai de détruire cette erreur, qui chez eux est très-accréditée ; je leur dis que les Européens n’étaient pas à comparer à ces pillards ; qu’ils ne volaient jamais, et qu’ils étaient toujours prêts à rendre service à leur semblables. « Mais, puisqu’ils sont si bons, répliquèrent-ils, pourquoi n’es-tu pas resté avec eux ? » Cette question m’embarrassa un peu ; mais je répondis que Dieu ne l’avait pas permis, puisqu’il m’avait donné l’idée de retourner dans mon pays pour y reprendre la religion de mes pères.

La maison de mon hôte Sidi ne désemplissait pas de Touariks et d’Arabes qui demandaient sans