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NOUVELLES.

pays, ses habitans paraissaient menacés d’une nouvelle invasion et d’une perte inévitable.

« Je fus assez heureux dans mon excursion pour ne pas rencontrer de naturels ; mais j’eus à souffrir d’une autre manière. C’était dans le fort de l’hiver ; il fallait coucher à la belle étoile, et, pour comble de malheur, le pauvre naturaliste accablé par des pluies continuelles et par les rigueurs du froid, n’avait d’autre abri que des buissons, et d’autre lit que de misérables cuirs glacés.

« Laissons les sujets qui me regardent pour parler des mœurs des Indiens. Dans cette langue de terre qui forme l’Amérique méridionale, depuis Buenos-Ayres jusqu’au détroit de Magellan, il y a seulement trois races d’Indiens : les Araucanos, qui sont les plus guerriers, les plus nombreux et les plus à craindre ; les Puelches, qui ont été presque détruits par leurs guerres avec les Araucanos, et les Patagons, qui habitent les terres plus au sud jusqu’au Rio-Negro. J’ai étudié tous ces Indiens avec soin ; j’ai des vocabulaires de leur langue ; mais les Patagons, par leur bizarrerie, m’ont le plus fourni d’observations intéressantes. Ils ne sont pas des géans, mais seulement de très beaux hommes, vigoureusement constitués. Les hommes et les femmes se peignent la figure de rouge, le dessous des yeux de bleu, et, lors des combats, ils se mettent au-dessus des sourcils de grandes taches blanches. Les femmes sont couvertes d’une mante attachée en avant par une épinglette d’argent large de six pouces ; leurs cheveux sont disposés en deux tresses qui tombent sur leurs épaules, et auxquelles elles attachent des grelots ou des morceaux de cuivre. Leurs oreilles sont ornées de boucles d’argent carrées, de trois pouces de diamètre ; elles ont des bracelets aux bras et aux mains ; et lorsqu’elles vont à cheval, un chapeau paré de plaques de cuivre, ressemblant à un plat qu’on renverserait, couvre leur tête. Les hommes, pendant la guerre, sont affublés d’une cuirasse de peau, d’un chapeau de cuir,