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ADMINISTRATION AVANT 1789.

rôle était porté au vérificateur, qui le rendait exécutoire. Le collecteur, muni de son rôle, apprenait bientôt la fraude et l’erreur ; mais il ne pouvait les rectifier. Il lui aurait fallu user de délais, présenter des requêtes, et chaque faute involontaire lui aurait coûté des frais considérables. Il arrivait encore que les habitans riches des paroisses se cotisaient entre eux, s’arrangeaient pour passer collecteurs tour à tour, et se promettaient mutuellement de s’épargner dans la répartition de l’impôt.

L’étendue et la qualité des terres qu’un cultivateur exploitait, ne fixait pas toujours sa contribution ; la présomption de son aisance mobilière et de ses produits industriels pouvait faire augmenter sa cote. Le recours aux tribunaux était illusoire, parce que les juges n’avaient aucune règle certaine pour vérifier les motifs de l’imposition, attendu que les experts qu’ils employaient n’en avaient pas davantage pour diriger leurs estimations, et que le gain de ces procès minutieux était détruit par les frais de la procédure. Ainsi l’homme sage restait victime de l’erreur ou de l’injustice, il voyait bien qu’il ne gagnerait rien à plaider. L’homme plus susceptible plaidait par aigreur, mais il négligeait ses champs et ses affaires pour suivre le procès auquel son ressentiment seul l’intéressait ; s’il le gagnait, il n’en retirait aucun profit réel, et il restait mal aisé s’il le perdait. Cet événement d’une année pouvait se renouveler les années suivantes ; celui qui en avait été toujours exempt pouvait l’éprouver à chaque assiette nouvelle, et cet arbitraire tenait dans une anxiété cruelle la plupart des contribuables qui n’avaient ni temps ni argent à perdre pour demander justice.

La principale source de cet état de choses venait de ce que la taille pouvait être imposée sur les valeurs mobilières et sur les facultés de l’industrie. C’est par là que l’administrateur manquait de règle de proportion, pour distribuer l’impôt entre les communautés ; l’asséeur, pour le répartir entre les