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GRANDE-BRETAGNE.

de l’Angleterre, et cependant on y compte 5 millions d’acres d’une terre aussi vierge que si elle était reléguée sous les pôles. Ses mers abondent en poissons, et quelques-uns des plus beaux bancs de pêche qu’il y ait au monde se trouvent en vue de ses côtes, et néanmoins le paysan irlandais meurt de faim, si la récolte des pommes de terre vient à manquer. L’été y est plus tempéré que dans tout autre pays de l’Europe, et l’hiver plus doux ; les bestiaux peuvent y parquer toute l’année, même durant les nuits, et cependant les famines sont plus fréquentes en Irlande qu’en Sibérie. Ses habitans sont naturellement durs à la fatigue, sobres, robustes, laborieux, intelligens, et cependant on en compte un quart qui mendie, un quart qui se livre au vol, et l’autre moitié est turbulente, insubordonnée, ennemie des lois et du gouvernement. L’aspect de l’île, quoique pittoresque, doit à l’égalité de sa surface toutes sortes de facilités pour le commerce. On n’y rencontre nulle part une élévation de plus de mille pieds au-dessus de la plaine voisine, et aucun pays en Europe ne présente un si grand nombre de lacs, à portée les uns des autres, et de fleuves et de rivières coulant dans toutes les directions. Il serait aisé d’ouvrir une navigation intérieure dans toute l’Irlande ; et cependant l’on n’y compte que deux canaux mal entretenus, et qui ne rapportent presque rien. L’Irlande possède à elle seule plus de ports accessibles aux plus gros vaisseaux, que tout le reste de l’Europe ; sa côte

    catriserait peu à peu la plaie profonde du paupérisme ; de l’autre, elle naturaliserait le protestantisme en Irlande, et chercherait et séduire les catholiques par la perspective d’une existence moins misérable et moins précaire. Ce plan développé par des publicistes anglais, est vaste, hardi, et prouve que les deux partis sont loin de se rapprocher encore. Chez un grand nombre d’orangistes, le fanatisme protestant ne s’est point modifié. Même intolérance pour les papistes, mêmes préjugés, même haine. Au surplus, le projet de colonisation de l’Irlande, quoique placée sous l’influence d’une idée étroite et exclusive, doit offrir tôt ou tard d’importants résultats, non-seulement pour la prospérité de cette île, mais encore pour celle de tout le Royaume-Uni.