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PIÈCES OFFICIELLES. — ÉTATS-UNIS.

terait sans doute de l’exclusion de tous les emplois à la disposition du président, des membres qui auraient concouru à l’élection de celui-ci. La nature des fonctions judiciaires, la nécessité de conserver dans le cabinet et dans les stations diplomatiques importantes les plus grands talens et la plus grande expérience politique, pourraient engager à excepter de cette exclusion cette espèce d’emploi. Il y a peut-être peu d’hommes qui puissent, pendant long-temps, posséder des dignités et de la puissance sans être placés plus ou moins sous l’influence de sentimens peu favorables à l’accomplissement légal de leurs devoirs publics. Leur intégrité peut être à l’épreuve de sollicitations inconvenantes qui leur sont immédiatement adressées ; mais ils peuvent acquérir l’habitude de regarder avec indifférence les intérêts publics, et de tolérer des actes qui révolteraient un homme inaccoutumé à de semblables fonctions. Un emploi est considéré comme une espèce de propriété, et le gouvernement comme un moyen de favoriser des intérêts individuels, plutôt que comme un instrument créé uniquement pour le service du peuple. La corruption dans quelques-uns, dans les autres la perversion des sentimens et des principes de justice, détournent le gouvernement de son but légitime, et en font une machine pour favoriser un petit nombre aux dépens de tous les autres. Les devoirs des officiers publics sont ou du moins pourraient être tellement clairs et simples, que tous les hommes intelligens fussent en état d’être promptement à même de les remplir ; et je ne puis m’empêcher de croire qu’il y a plus à perdre en laissant trop long-temps les mêmes hommes dans les mêmes emplois, qu’à gagner par l’expérience qu’ils acquièrent. Je soumets donc à votre considération la question de savoir si l’efficacité du gouvernement ne serait pas augmentée, et si l’intégrité et l’industrie officielles ne seraient pas mieux garanties par une extension générale des lois qui limitent les fonctions à quatre ans. Dans un pays où les emplois ne sont créés que pour l’avantage du peuple, un homme ne peut avoir plus de droits intrinsèques à des fonctions officielles qu’un autre. Les emplois n’ont pas été établis pour favoriser quelques hommes en particulier, aux dépens du public. Aucun tort individuel ne peut donc être fait par un renvoi, puisqu’une nomination ou la continuation d’un emploi ne peut être l’effet d’un droit. L’individu est pourvu d’un office dans un but d’intérêts publics, et lorsque ces intérêts réclament son renvoi, ils ne doivent pas être sacrifiés à des avantages privés. C’est le peuple, le peuple seul qui a droit de se plaindre, lorsqu’un mauvais fonctionnaire est mis à la place d’un bon. Celui qui est renvoyé a les mêmes moyens de soutenir son existence que les millions d’individus qui n’ont jamais eu d’emplois publics. Les limites proposées détruiraient cette idée de propriété qui se lie si généralement aux emplois officiels, et, bien qu’elles puissent quelquefois produire une misère individuelle, elles favoriseraient ce roulement qui constitue le principe fondamental de la croyance républicaine, et donneraient au système une action vigoureuse[1].

» Aucun changement considérable


  1. Toute cette partie du message du président sera sans doute le sujet de longues et vives discussions dans les journaux américains. Elle touche en effet à une question administrative d’un haut intérêt. Déjà quelques feuilles, que nous avons sous les yeux, ont commencé l’attaque. Voici, en peu de mots, comment elles s’expriment :

    « Non, sans doute, un emploi public ne peut être considéré comme une propriété dans toute la rigueur de l’acception de ce mot. Ainsi, par exemple, nous pensons que du moment où un fonctionnaire public remplit mal ses devoirs, l’autorité chargée de le surveiller, doit s’empresser de le priver de son emploi pour le confier à des mains plus habiles ou plus intègres. Mais, nous croyons aussi, que le fonctionnaire qui remplit ses devoirs avec autant de talent que de zèle, et qui n’a jamais cessé de répondre à la confiance du peuple et de l’autorité, doit avoir des garanties contre l’ambition des intrigans qui, au bout de quatre ans, accourront de toutes parts comme une nuée d’oiseaux de proie pour se disputer son emploi. Car, en conscience, peut-on admettre que ce seront des hommes de mérite qui viendront briguer de modestes, souvent même de pénibles fonctions, lorsqu’ils sauront que ni le zèle, ni l’intégrité, ni les lumières, ne pourront les maintenir plus de quatre ans à un poste qu’ils n’auront occupé que le temps nécessaire pour manquer une autre carrière, qui du moins leur aurait assuré des ressources pour le temps de la vieillesse. Espérons que cette mesure ne sera pas adoptée.