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PIÈCES OFFICIELLES. — ÉTATS-UNIS.

peut souvent élire le président ; et quand cela arrive, on peut raisonnablement s’attendre que la majorité s’efforcera de rectifier cette opération injurieuse à ses institutions. Quoiqu’aucun inconvénient majeur ne puisse résulter de cette interversion du premier principe de notre système : La majorité doit gouverner ; toujours est-il certain qu’un président choisi par une minorité ne peut jouir de la confiance qui lui est nécessaire pour remplir avec succès tous ses devoirs.

» En cela comme en toutes les autres matières d’intérêt public, la politique exige qu’il y ait aussi peu d’obstacles que possible à l’action libre de la volonté du peuple ; efforçons-nous donc d’amender notre système de manière que la place de premier magistrat ne puisse être conférée à un citoyen qu’en conséquence de la pleine et manifeste expression de la volonté de la majorité.

» Je vous recommande encore un amendement à la constitution, qui éloigne toute action intermédiaire dans l’élection du vice-président. Le mode peut être réglé de sorte que chaque état conserve son influence actuelle et relative sur l’élection ; et si le premier scrutin ne donnait pas de résultats, on pourrait remédier à cet inconvénient en renfermant le second dans le choix des deux candidats qui auraient eu le plus grand nombre de voix. En addition à cet amendement, il semblerait convenable de limiter le service du premier magistrat à un terme unique de quatre ou six ans[1].

» Si néanmoins cela n’était pas adopté, il serait utile de prendre en considération s’il ne serait pas convenable de déclarer que les membres d’un congrès qui aurait fait une semblable élection ne pourraient entrer dans les emplois publics. Les membres du congrès pouvant être nommés constitutionnellement à des emplois lucratifs et de confiance, il arrivera que, même avec le sentiment le plus consciencieux de ses devoirs, on les choisira pour les emplois auxquels on les jugera plus convenables que d’autres citoyens. Mais la pureté de notre gouvernement résul-

  1. Voici comment l’élection du président est prescrite par l’article 11 de la constitution :

    « Chaque État nommera, d’après le mode indiqué par la législature, un nombre d’électeurs égal au nombre total de sénateurs et de représentans que l’État envoie au congrès ; mais aucun sénateur ou représentant, ni aucune personne salariée ou employée par le gouvernement des États-Unis, ne peut être nommé électeur.

    « Les électeurs s’assembleront dans leurs États respectifs, et ils voteront par ballotage pour deux individus dont l’un au moins ne sera pas du même État qu’eux. Ils feront une liste de toutes les personnes qui ont obtenu des suffrages, et du nombre de suffrages que chacune d’elles aura obtenus. Ils signeront et certifieront cette liste, et la transmettront scellée au siége du gouvernement des États-Unis, sous l’adresse du président du sénat, qui, en présence du sénat et de la chambre des représentans, ouvrira tous les certificats et comptera les votes. Celui qui aura obtenu le plus grand nombre de votes sera président, si ce nombre forme la majorité des électeurs ; si plusieurs ont obtenu cette majorité, et que deux ou un plus grand nombre réunissent la même quantité de suffrages, alors la chambre des représentans en choisira un pour président par la voie du ballotage. Si nul n’a réuni cette majorité, la chambre prendra les cinq personnes qui en ont approché davantage, et choisira parmi elles le président par la voie du ballotage. Mais en choisissant ainsi le président, les votes seront pris par État, la représentation de chaque État n’ayant qu’un vote. Un ou plusieurs membres des deux tiers des États au moins devront être présens, et la majorité de tous ces États sera indispensable pour que le choix soit valide.  .  .  .  .  »

    En examinant avec attention cet article de la constitution, on est forcé de reconnaître, avec le général Jackson, qu’il peut arriver que l’élection du président, au lieu d’être l’expression de la volonté populaire, ne soit que le fruit des intrigues ourdies dans le sein du congrès, ou du moins le résultat de l’erreur de quelques-uns de ses membres. L’élection de 1825 en est une preuve incontestable. On se rappelle qu’à cette époque, John Quincy Adams l’emporta dans le congrès sur Andrew Jackson lui-même, qui avait obtenu un plus grand nombre de suffrages que lui dans le corps électoral.

    L’idée de modifier cet article de la constitution de manière que l’élection du président soit toujours l’expression libre et franche de l’opinion publique, n’est pas nouvelle ; on peut même dire que depuis quelques années elle s’est fait un grand nombre de partisans dans presque tous les États de l’Union. Dès 1816, M. Rufus King, sénateur de l’État de New-York, et l’un des membres de la convention qui a rédigé la constitution, l’a soutenu avec beaucoup de chaleur.

    Nous ne doutons pas que le paragraphe 3 de la 1re  section du 1er  article, ne soit modifié par le congrès, et qu’il n’en résulte un bien ; mais peut-être eût-il mieux valu que cette proposition fût faite par un autre que par celui qui souffrait personnellement de l’intervention d’un tiers entre le peuple et lui.