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MÉMOIRES DE L’EMPEREUR DJIHÂN-GUIR.

Djihân-Guir mourut en 1628, dans un nouveau voyage à Cachemire dont il aimait à habiter les fraîches vallées, pendant les mois brûlans de l’été. La discorde, après sa mort, éclata entre ses fils : le trône de Baber fut long-temps disputé, et la guerre civile qui embrasa l’Indoustan vint ajouter à tous les maux de la conquête.

B…

Il est difficile d’imaginer une condition plus misérable que celle des Indous, après la mort de Djihân-Guir. Ce prince, naturellement enclin à la générosité et à la tolérance, avait quelquefois allégé pour eux le joug de la victoire. Il n’en fut plus de même après sa mort ; il n’y eut plus de pitié pour les vaincus. (V. la Revue des Deux-Mondes, t. i, p. 319). Rien du reste ne fera mieux connaître cette époque si funeste pour l’Indoustan, que la requête suivante, adressée par un prince mahratte à l’un des petits-fils de Djihân-Guir, le fameux Aurengzeb. La lettre de cet homme énergique et courageux, qui se dévouait pour le salut d’un pauvre peuple, nous a paru l’un des plus précieux monumens historiques de l’Empire Mogol. Elle renferme d’admirables leçons de tolérance et d’humanité.


Lettre d’un prince mahrate à Alem-guir (Aurengzeb), empereur du Mogol.

« Je m’incline humblement devant le trône de votre majesté, dont la splendeur égale l’éclat du soleil.

» J’ai eu le malheur d’encourir votre royal courroux, et cependant je ne puis m’accuser d’aucun délai à remplir mes devoirs de fidèle vassal. Les sultans, les mirzas, les radjahs de l’Indoustan, les émirs de l’Iran (Perse), de Roum (empire Ottoman), de Cham (Syrie), peuvent dire si j’ai rendu d’utiles services. J’en appellerai même au témoignage des habitans des sept parties de l’Univers, aux enfans de la Terre et de l’Océan. Tous ont connu mes exploits, honorés aussi, j’ose le croire, de votre royale attention. Fort de mes services, des bontés de votre majesté, et poussé par un irrésistible sentiment de sympathie pour mes compagnons de souffrance, je soumets respectueusement quelques observations à votre gracieuse condescendance.

» Afin d’accomplir les desseins cruels que vous avez formés contre moi, des sommes énormes ont été dissipées, votre trésor s’est épuisé, et vous avez résolu, pour en combler le vide, d’imposer des taxes oppressives sur le pauvre et l’indigent qui vivent du travail de leurs mains.

» Votre illustre ancêtre, ce puissant dominateur de la terre, maintenant glorieux habitant du séjour de paix et de bonheur, l’empereur Mohammed Akber,