Page:Revue des Deux Mondes - 1829 - tome 2.djvu/372

Cette page a été validée par deux contributeurs.
362
ANCIEN EMPIRE MOGOL.

personne offensée saisirait la première occasion de se venger dans le sang de son adversaire. Punir sur-le-champ l’homme qui viole les lois de son pays, c’est une tâche dont ne doivent jamais se dispenser ceux qui tiennent en main les rênes du pouvoir. »

Malgré tant de sagesse et de raison, Djihân-Guir n’était pas tout-à-fait exempt de superstition. Passionné pour la chasse, armé du fusil de son père, le fameux Durust-Endàz (lançant juste), il tuait souvent jusqu’à vingt gazelles par jour ; une circonstance extraordinaire le porta à faire vœu de renoncer à cet exercice. « Un jour que j’étais engagé dans une partie de chasse au milieu d’un troupeau de gazelles, j’en vis une qui était marquée de si jolies couleurs, que je m’attachai de préférence à la poursuivre. Je fis défense expresse à ma suite de m’accompagner, dans la crainte d’effaroucher l’animal. Je déchargeai mon Durust-Endàz à plusieurs reprises, mais sans succès. Toutes les fois que j’approchais de cette jolie bête, elle bondissait comme pour se moquer de moi. Enfin, après un troisième coup, je m’en trouvais plus près encore, lorsqu’elle fit un saut et disparut. Je tombai en même temps à la renverse, sans que je puisse expliquer la cause de cette chute, et restai deux heures dans une insensibilité complète. Je ne recouvrai mes sens que lorsque mon fils Khosrew, s’étant mis à ma recherche, m’eût appliqué de l’eau de rose aux tempes ; mais j’éprouvai des faiblesses continuelles pendant près d’un mois. Je fis dès ce jour le vœu solennel de ne plus me servir de mon fusil à la chasse, aussitôt que j’aurais atteint l’âge de cinquante ans. »

Voici un autre exemple des craintes superstitieuses de Djihân-Guir. « Je montai, dit-il, à cheval en quittant le lieu où repose mon père, et n’eus pas fait quelques pas, que rencontrant un homme qui ne m’avait jamais vu, je lui demandai son nom. Il me répondit qu’il s’appelait Murad-Khodja (Désir satisfait). Dieu soit loué, m’écriai-je, mes désirs seront remplis ! Un peu