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MÉMOIRES DE L’EMPEREUR DJIHÂN-GUIR.

son empire ; nous citerons en entier le passage qui s’y rapporte.

« Sur un avis que me donna un jour l’Émir-Ul-Oumèra, qui s’accordait parfaitement avec mes pensées, j’établis pour règle que personne ne serait appelé au maniement des affaires de mon gouvernement, si ses qualités n’avaient été éprouvées par la pierre de touche de l’expérience. Un sot ne mène jamais à bien une affaire importante, et l’engager dans une transaction vétilleuse, c’est lâcher un faucon contre une mouche. La prospérité et la régularité d’un gouvernement dépendent toujours du caractère des ministres qui entourent le souverain. »

L’amour du roi pour la justice l’emportait sur les sentimens les plus vifs de l’amitié et sur toute autre considération.

« Je vais maintenant rapporter un trait qui me causa une vive douleur par le combat qui s’engagea dans mon cœur entre l’amitié et le sentiment de mes devoirs publics. Mirza-Nour, fils de Khan-Azèm, me fut amené sous la prévention d’homicide. Ce jeune homme avait été tendrement chéri de mon père, qui le regardait comme un fils, et le comblait sans cesse de bienfaits. Je le fis sur-le-champ conduire avec ses accusateurs devant le Kadi et le Miri-Adl (ministre de la justice), à qui j’enjoignis de faire exécuter la loi, selon ce qui serait prouvé. Après les formes voulues, on m’apporta, de la part de ces officiers de justice, un rapport déclarant que Mirza-Nour avait été trouvé coupable de meurtre prémédité, et que, selon la loi de Mahomet, le sang se punissait par le sang. Malgré ma tendre affection pour le fils et mon profond respect pour le père, je trouvai qu’il était impossible de contrevenir aux lois de Dieu, et je le remis à regret entre les mains du bourreau.

« Je pleurai sa mort pendant plus d’un mois, je regrettais sa tendre jeunesse, et tant de brillantes qualités ; mais quelque pénible que soit cet effort, il n’y a pas en pareil cas deux partis à prendre. Si le monarque transigeait avec son devoir, toute