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RUSSIE.

l’Inde : c’est une erreur aujourd’hui presqu’universellement reconnue.

La Perse, difficile à soumettre et plus encore à garder, ne présente, depuis Téhéran jusqu’à l’Afghanistan, qu’un vaste désert salé où l’armée Russe périrait de fatigue et de misère : ce royaume ne sera donc pas le point de départ de la conquête. La Boukharie, c’est-à-dire Khiva, Balkh et le royaume de Cachemire, voilà pour la Russie le véritable chemin de l’Inde.

Nous n’ajouterons rien aux détails que la Revue des deux mondes a récemment donnés sur le projet d’invasion par la Boukharie. Nous rappellerons seulement que la possession de Khiva paraît être depuis long-temps le but d’une des nombreuses ambitions de la Russie. En 1716, Pierre-le-Grand envoya le général Bikovits, puis deux autres officiers, lever le plan des environs de la mer d’Aral ; et on assure même que la mort de Bikovits, assassiné par les Boukhares, arrêta seule l’exécution d’un plan qui consistait à occuper dès lors la ville de Khiva. Depuis, les Russes ont fréquemment entretenu des émissaires dans ces contrées ; et il est facile de prévoir que leurs premiers efforts seront dirigés contre cette place qui est pour eux la clef de la Tartarie.

Deux routes amènent également leurs armées dans cette vieille patrie des sciences et des arts de l’Orient ; elles peuvent traverser les steppes des Kirghis et côtoyer la mer d’Aral, jusqu’à Khiva ; elles peuvent aussi débarquer sur les bords de la mer Caspienne. L’invasion par les steppes épargne l’embarras d’improviser une marine sur la mer Caspienne ; et les mines dont le pays abonde facilitent la création de fonderies, d’arsenaux, et autres établissemens militaires. D’autre part, on évite, par la voie de la mer, les fatigues d’une longue et pénible route à travers les déserts. Une connaissance parfaite des localités peut seule guider le gouvernement russe dans le choix définitif du plan qu’il adoptera.