vais pas me placer entre le corps et la Mecque. Le prêtre dit à la hâte une courte prière, et les porteurs, saisissant le défunt, se mirent de nouveau à courir vers sa dernière demeure. Les Tartares entrèrent dans la Mosquée, et prièrent avec ferveur pendant environ dix minutes ; on remonta ensuite dans les droskys, et on les dirigea vers le cimetière tartare. Le lieu consacré est à peu près éloigné de la ville de quatre werst, au nord de la Smolenk ; et pour la première fois de ma vie, on ne me demanda pas mon passeport en traversant une barrière russe.
Le cimetière domine Moscou et ses environs ; le temps qui était clair permettait de jouir du coup-d’œil. La fosse était creusée dans la direction de la Mecque, et garnie au fond comme un cercueil. Les tartares ayant formé un demi-cercle derrière le mollah et l’iman, le corps fut ôté de la bière. Il était enveloppé de châles riches et si bien embaumé avec de la myrrhe que je ne sentis pas la moindre odeur de corruption. Le corps fut promptement dépouillé et descendu dans la fosse, les pieds tournés vers la Mecque, par le prêtre lui-même qui s’assit ensuite, et la scène présenta un spectacle des plus singuliers. Les conducteurs de droskys étaient à la gauche du tombeau ; mes gens, un ou deux bouchers russes et quelques enfans occupaient la droite. Les fidèles qui se trouvaient placés au centre, baisèrent chacun un peu de terre et la jetèrent dans la fosse aussitôt que le prêtre y eût déposé le corps. Un silence profond s’établit pendant deux minutes, et fut rompu par les voix nazillardes et discordantes du prêtre et de l’iman qui chantaient des prières. Tous les assistans tenaient leurs mains étendues comme s’ils lisaient dans un livre ouvert. Les Tartares terminèrent la cérémonie en se frappant la figure et se tirant la barbe.
Les Russes qui font à une chandelle, pourvu qu’elle brûle devant une image, plus de salamalecs que les Tartares ne font de génuflexions, paraissaient s’amuser extrèmement