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MOSCOU.

prêtre se fut écrié : à la Mecque ! tous les croyans se rangèrent autour de lui, et répétèrent, en s’inclinant, Bismillah. Ils se formèrent ensuite en rang comme des soldats, et je vis l’iman occupé à les aligner ; après quoi ils se dispersèrent. Quoiqu’ils parussent très-pieux, ils ne se formalisèrent pas de ma présence ; tous même me saluèrent en sortant de la mosquée.

J’avais souvent entendu parler des cérémonies funéraires des Tartares, et durant le cours de tous mes voyages dans ces contrées, je n’avais jamais été assez heureux pour en voir une. À Moscou, je m’informai avec intérêt de la santé d’un riche Tartare, que je savais être dans un état précaire. Environ deux semaines après mes démarches bienveillantes, le pauvre diable mourut, et je résolus de lui faire l’honneur d’assister à ses funérailles. Il échappa presque à ma vigilance. Un jour, en me promenant près du Gostonoy-Doun, j’aperçus dix ou douze individus qui couraient chargés d’une boîte qu’ils portaient sur des brancards. Je reconnus bientôt que c’était mon homme, et je me mis à courir avec eux le long des murs du Kremlin, nous dirigeant vers le pont qui traverse la Moscowa.

Là, je trouvai un drosky, et bientôt après j’étais dans la ligne formée par les chariots des Tartares. Comme le défunt était un homme marquant dans sa tribu, tous ses coréligionaires de Moscou s’étaient rendus à son convoi. Les porteurs furent relayés de temps à autre, mais ils ne s’arrêtèrent jamais pour cette opération. Ils semblaient déterminés à le mener en terre aussi vite que possible. Notre première halte fut à la mosquée tartare dont j’ai déjà parlé. Ici, la bière, si toutefois on peut l’appeler ainsi, fut déposée en dehors, dans la partie de la mosquée qui regarde la Mecque ; et les Tartares, s’asseyant sur la terre, prirent par derrière une position pieuse, mais un peu fraîche. Je tâchai de réussir à mieux voir la cérémonie, en m’avançant devant le cercueil ; mais mon vieil ami l’iman me fit signe de la main pour me faire comprendre que je ne de-