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ANCIEN EMPIRE MOGOL.

étant dans la 24e degré de la balance. Scheikh Selim, saint reclus qui gardait la châsse, bénit l’enfant royal, et lui donna son nom, qu’il porta tant qu’il fut héritier présomptif de la couronne. À son avénement, il le changea contre celui de Djihân-Guir ou conquérant du monde. Il assigne lui-même le motif de cette dénomination qu’on regardera comme une anticipation assez curieuse. « J’aurais peut-être pu me contenter du titre de sultan Selim ; mais pour me placer au niveau des monarques de l’empire turc, et considérant que la conquête de l’univers est la vocation particulière des princes souverains, je pris celui de Djihân-Guir, le seul qui me parût convenir à mon caractère. J’ai l’assurance qu’avec l’aide de Dieu, de longs jours et une bonne étoile, je justifierai cette dénomination. »

Djihân-Guir parle après cela de plusieurs réglemens qu’il publia, pour améliorer l’administration de la justice dans ses états. Il signale l’invention d’une longue chaîne d’or attachée d’un bout aux créneaux de la tour du château d’Agra, et de l’autre à une colonne en pierre, élevée près du lit de la rivière Djemna ; quatre-vingt petites cloches étaient suspendues à cette chaîne dite de justice’, qui avait deux cent-soixante pieds de long. Quiconque avait à se plaindre d’une fausse application des lois, n’avait qu’à la toucher pour obtenir sur-le-champ réparation.

Il fit contre l’ivrognerie un réglement qu’il avoue avec candeur avoir été le premier à transgresser. La quantité de vin que sa majesté s’administrait chaque jour, étonnerait les plus hardis buveurs, et prouve qu’il s’inquiétait peu de la loi de Mahomet, pour lequel cependant il témoigne tant de respect.

« Il n’était permis à personne de faire ni de vendre du vin ou autre liqueur enivrante. J’entrepris d’établir cette règle, quoiqu’il fût assez notoire que j’eusse pour le vin un penchant décidé depuis l’âge de seize ans. Et pour tout dire,