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IRLANDE.

Dans le récit que je vais vous faire d’un dîner donné, il y a quelques jours, au profit des orphelins de l’hospice de Saint-Joseph de Dublin, vous verrez quels sont les projets ultérieurs d’O’Connell. C’est lui-même qui vous les expliquera dans les divers discours qui servent de préludes aux santés qu’il était obligé de porter en sa qualité de président du banquet. Vous serez sans doute étonné de voir transformer une assemblée de charité en une arène politique ; mais depuis la clôture de l’association, les catholiques n’ayant aucun prétexte pour se réunir, saisissent avec empressement ces sortes d’occasions pour communiquer leurs pensées, leurs intentions et leurs désirs à leurs compatriotes.

Cent trente convives s’assirent à table. Lorsque la nappe fut enlevée, O’Connell prit la parole. Il dit à l’assemblée que le comité lui avait remis une liste de toasts, et que le seul privilége qu’il se réservait, c’était de les porter dans l’ordre et avec les amendemens qu’il jugerait convenables. « J’ai donc l’honneur, ajouta-t-il, de vous proposer celui qui n’occupe que le second rang sur la liste, bien qu’il soit de droit le premier : le peuple, l’unique source légitime de tout pouvoir sur la terre. »

L’assemblé se leva en masse, et but à la santé du peuple, au milieu des plus bruyans transports.

Le toast suivant, continua O’Connell, est nécessairement celui du roi, et en fidèles sujets, nous le boirons avec plaisir. Pour mon compte je lui suis dévoué ; mais ce n’est que tout juste, autant qu’il le faut, pour ne point contrevenir à la loi. J’admire cependant une expression sortie de la bouche de sa majesté. Elle a dit que la puissance était un dépôt entre les mains des princes pour le bien-être des peuples. Paroles sublimes et dignes d’un grand roi ! Tant que sa gracieuse majesté sera de cet avis et qu’elle gouvernera en conséquence, libre à elle de s’aller promener chaque jour dans son phaéton, et de prendre du goujon avec sa ligue dorée