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ADMINISTRATION AVANT 1789.

et autorisait des arpentages généraux qui devaient la détruire jusque dans ses retranchemens les plus obscurs.

Des personnes étrangères au pays avaient été chargées de faire une estimation, afin qu’aucun intérêt personnel n’influât sur leurs opinions. Mais on communiquait ces fixations proposées d’abord par des étrangers aux subdélégués et receveurs des tailles, qui, par leurs connaissances de la localité, perfectionnaient ce premier travail. On l’avait fait ensuite reviser de nouveau par les officiers de l’élection. Ce ne fut que lorsqu’il eut acquis cette double rectification qu’on le communiqua au peuple lui-même.

En Normandie, les lois concernant le privilége de la noblesse et de tous ceux qui avaient droit de jouir des prérogatives des nobles, laissaient une grande incertitude dans les principes. La variation de la jurisprudence sur cette matière produisait une variation continuelle dans l’application des réglemens de 1634 et 1664. Ces lois avaient fixé à l’exploitation de trois charrues, prés et bois à proportion, le privilége des gentilshommes. Quelques nobles prétendirent qu’ils pouvaient faire valoir l’exploitation de trois charrues, et en outre les prés et les bois à proportion de cette exploitation. D’autres soutinrent qu’un gentilhomme avait le privilége de faire valoir tous ses bois et prés, outre et par-dessus l’exploitation des trois charrues ; de telle manière que cette espèce de biens était affranchie de toute imposition de taille, en quelques lieux de la province que ces bois et prés fussent situés, et à quelques sommes que leur produit pût s’élever annuellement.

Dans le tiers-état, au contraire, on prétendait que cette proportion de prés et de bois entrait dans la limitation du privilége de trois charrues ; en sorte qu’en évaluant à trois mille livres l’exploitation de trois charrues, il fallait estimer et cumuler le produit des terres labourables, prés et