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ÉMANCIPATION CATHOLIQUE.

d’un magistrat ou juge de paix. Ces magistrats ou juges de paix sont des fonctionnaires honoraires, sans aucune responsabilité. Tous gentilshommes de campagne, ils sont chargés, chacun dans son voisinage, de veiller à la sûreté et à la tranquillité publiques ; mais dans une émeute populaire, dans une effervescence politique, ils deviennent souvent les instrumens faciles des rigueurs du gouvernement contre le peuple. En Angleterre encore, les plaintes contre les magistrats ne sont pas trop nombreuses ; ils se conduisent avec assez d’impartialité, pourvu toutefois qu’il ne s’agisse pas d’un malheureux braconnier. Oh ! alors point de pitié, point de justice. Mais en Irlande, quelle différence ! Imaginez une population de six millions de catholiques, soumise aux caprices d’une magistrature protestante, dont la grande majorité est orangiste. Nul lien de religion, de patrie, nul espoir de justice, nul rapprochement d’opinions. D’un côté, le dédain affecté d’une supériorité insultante ; de l’autre, la haine profonde d’une nation qui se sent blessée dans ses affections les plus chères, qui voit se fermer devant elle la carrière des honneurs et des nobles ambitions. Les magistrats pesaient d’un joug de fer sur la classe populaire, et les premiers efforts de l’association furent dirigés contre eux. Fonctionnaires non salariés, ils n’offraient aucune responsabilité légale ; mais ils étaient responsables de leur conduite individuelle, et ils se voyaient exposés à soutenir, de la part de l’association, des procès coûteux, où ils étaient presque toujours renvoyés, il est vrai, de la plainte, mais où ils ne subissaient pas moins les frais considérables qu’entraînent toujours les débats judiciaires en Irlande. Force donc leur fut de se tenir sur les gardes, et le gouvernement, privé ainsi de son arme la plus puissante, luttait vainement contre le colosse.

Vinrent ensuite les clubs libéraux qui mirent le comble à cette étonnante organisation. Ils avaient un but exclusivement politique, celui de veiller à l’enregistrement des électeurs,