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ESPAGNE.

témoignent assez qu’on fait violence à la nature. Presque tous les vents sont bons pour sortir du port de Cadiz ; un seul vent, celui de l’est, permet de franchir le détroit en quittant Gibraltar. Cadiz enfin est sur la route des Indes et de l’Amérique ; tous les vaisseaux de l’Europe y peuvent aborder sans aucun détour ; Gibraltar, au contraire, est au-delà d’un détroit fécond en naufrages. À la fin d’un long voyage, un navire doit traverser ce passage dangereux pour y porter ses marchandises, et le traverser encore pour revenir jusqu’au lieu du départ.

Il est indubitable que Cadiz affranchie reprendra tout l’avantage que Gibraltar n’a dû lui-même qu’à sa franchise. Cadiz doit s’emparer non-seulement du commerce régulier, mais encore de la contrebande, source féconde de bénéfices pour les négocians de Gibraltar.

Le seul espoir d’un changement si inattendu a suffi pour donner à Cadiz une physionomie nouvelle, pour lui rendre le mouvement et la vie. Si le décret triomphe des obstacles qu’il a rencontrés à sa naissance, et qu’il doit rencontrer à son exécution ; si des restrictions ne sont pas arrachées pour en paralyser les effets, on verra, comme au seizième siècle, une foule d’étrangers accourus dans cette nouvelle Anséatique, y rassembler l’industrie et les lumières de toute l’Europe. Néanmoins il importe de pas s’abuser. Cet avenir prospère qui lui semble promis tient surtout à des causes éloignées, douteuses, et qu’aucun décret ne saurait produire. Ce sont les relations commerciales avec l’Amérique qui doivent être encore, comme à sa première époque de splendeur, les vrais élémens de sa richesse. Il faut donc, avant tout, que ces relations s’établissent ; il faut que l’ordre renaisse dans les nouveaux états déchirés par les guerres civiles ; il faut que l’ancienne métropole, cessant de les tenir inquiets, abandonne des projets dont les résultats, suivant nous, ne seraient que passagers, et que, par des alliances qu’un grand