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INSURRECTION DE CANDIE.

et s’il faut, pour prouver ce que j’avance, vous les désigner l’une après l’autre, je puis facilement vous procurer une liste. La phrase qui suit, quoique étant le noyau de la narration, est aussi extraordinairement outrée : « Tous les rapports que j’ai reçus de différens côtés s’accordent sur ce que le nombre des tués surpasse un millier.  » Mais si depuis long-temps il n’y a pas eu un millier de Grecs tués dans le pays, on sera forcé de convenir que ce millier est au moins très-hasardé.

» Pour moi, je vous dirai avec la plus grande franchise, monsieur l’amiral, que j’ai pris là-dessus des informations depuis le jour même de la catastrophe. J’ai interrogé avec autorité ceux qui ont inhumé les victimes, ainsi que les officiers qui surveillaient cette douloureuse corvée, et le nombre des morts, dans la ville et en dehors des remparts, n’a été porté qu’à cent huit, c’est-à-dire quatre-vingt-dix-sept dans le pays et onze dehors. J’ai employé ensuite secrètement des personnes de confiance pour interroger les fossoyeurs, qui, payés à tant par corps, devaient bien en connaître le nombre, et toujours les morts se sont trouvés cent huit.

» Quand M. le commandant Fellowes, de votre nation, monsieur l’amiral, s’est présenté chez moi, je lui ai dit, en effet, qu’une centaine d’hommes avaient été tués. C’est sans doute sur ce nombre qu’avec une politesse peu européenne l’auteur a établi cette phrase : Lorsqu’un Turc fait cet aveu à un officier d’une puissance chrétienne, on peut hardiment ajouter un zéro sans risquer de lui faire tort : » Je ne descendrai certainement pas jusqu’à lui pour relever l’inconvenance de l’expression ; mais j’aurai bien l’honneur de dire à V. S. que ce Turc est un honnête homme, capable, non d’en imposer, d’inventer, de calomnier lâchement, mais de rapporter véridiquement un fait, quel qu’il soit, à un autre honnête homme, comme le loyal officier qui se trouvait chez moi. Je sais bien que la hardiesse ne manque pas à l’auteur pour employer un