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INSURRECTION DE CANDIE.

échanger contre les leurs. J’ai aussitôt voulu entamer le marché ; mais les Grecs, plus attachés à leur cupidité qu’au soulagement de leurs frères, ont refusé la proposition, offrant la liberté des femmes et enfans turcs au prix exclusif de l’or. La rançon demandée étant difficile à réunir pour le moment, les captifs sont toujours entre les mains des Grecs, et les femmes et enfans de leur nation, faibles par le sexe et l’âge, incapables d’attirer de la haine, sont, par mes ordres, logés et nourris dans l’hôpital grec de cette ville. Le chef des Grecs avait prédit que les Scitiotes au désespoir n’auraient pour dernière ressource que l’abîme des mers ; mais le temps a prouvé la fausseté de la prédiction. À défaut de Grecs, il a donné les rives de la mer pour asile aux musulmans ; on dirait qu’il a voulu les punir de n’avoir pas justifié son oracle. Vingt jours d’avance, je savais le projet d’invasion sur Scitia, et vous aussi, monsieur le commandant.

» En attendant, les Grecs, qui rient de vos inutiles efforts et de ma bonne foi, ont envahi Scitia. Déjà huit cents personnes réduites à l’extrême misère, dont deux cent onze, transportées par vos soins, gémissent ici sur leur déplorable sort. Cent autres, qui ont refusé de se rendre, ont été lancées dans les airs par les mines que les Grecs avaient pratiquées ; j’en ai reçu la certitude avec les détails de Spina-Longa. Et que sont devenus les autres Scitiotes ? Cette malheureuse population s’élevait à trois mille ames à peu près ; le reste existe-t-il ? a-t-il été égorgé, ou bien erre-t-il de champ en champ, espérant du ciel l’apparition d’un autre Wellesley ? Je l’ignore encore ; mais ce que vous aurez appris comme moi, monsieur le commandant, c’est ce raffinement de cruauté exercé par les Cassiotes à l’égard de quelques Turcs de Scitia, qui avaient demandé le passage sur leurs bateaux. Ces harpies, après s’être fait donner 1500 piastres de ce pays pour recevoir à leur bord les passagers et leurs effets, les ont ensuite débarqués sous prétexte du mauvais temps ; bientôt après, les bateaux disparu-