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VARIÉTÉS.

énergique. Nous les vîmes de bonne heure, très distinctement, se ranger en ordre sur la lisière du bois où ils étaient campés. À environ 600 yards des lignes, ils se déployèrent, et se formant rapidement en ordre de bataille, marchèrent avec intrépidité. Ce fut un beau moment pour les troupes européennes ; pendant dix mois entiers, on les avait tenues derrière les murs de la forteresse, constamment harcelées par l’ennemi. Elles voyaient alors les Braziliens à leur portée, et dans leurs transports, elles firent entendre les cris d’une cruelle joie. Un terrible feu de mitraille et de mousqueterie arrêta les Braziliens dans leur marche. Une seconde décharge porta la mort dans leurs rangs, et la baïonnette fit le reste : en un clin d’œil, ils furent culbutés et repoussés jusqu’à leur camp. Aucun n’osa depuis croiser la baïonnette contre un soldat royaliste : ce fut le dernier effort.

Voyant qu’il n’avait plus de provisions que pour 60 jours, le gouverneur convoqua un conseil de guerre, dans lequel on résolut d’évacuer la place, et de partir pour l’Europe ; les malades, les blessés, et les gros bagages furent embarqués. Dans la nuit du 1er juin, les troupes quittèrent leurs lignes, le lendemain elles étaient toutes à bord. L’évacuation ne fut marquée par aucun excès, et le plus grand honneur en rejaillira toujours sur les soldats portugais.

L’aurore du 20 juin parut couverte d’un voile funèbre ; toute la nature semblait plongée dans le deuil ; le soleil ne brillait point à l’Orient ; aucun souffle n’agitait le feuillage des arbres ; la vaste étendue de la baie était unie et silencieuse comme un lac ; le drapeau portugais qui, jusqu’au dernier moment, avait flotté sur le fort Do-Mar, ne se déployait plus à la brise matinale ; il tenait son mât étroitement embrassé, comme s’il eût senti que l’instant de leur séparation était arrivé ; on voyait les tristes adieux d’amis, la séparation déchirante des parens dont le cœur était brisé. Je ne pouvais m’empêcher de sympathiser avec ces hommes