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DROIT MARITIME.

ment bien rares, prouvent que la modération et la pitié ne sont pas bannies des relations politiques. Nous terminerons cet article par le récit suivant. En 1746[1], le capitaine Edward, commandant le vaisseau de guerre, anglais l’Elisabeth, ayant été battu par la tempête sur les côtes de Cuba, et se trouvant à la veille de faire naufrage, se réfugia à la Havane, et se présenta au gouverneur, auquel il adressa ces paroles : « Je viens vous remettre mon vaisseau, mes matelots, mes soldats et moi-même ; je ne vous demande que la vie pour mon pauvre équipage. — Jamais, lui répondit le gouverneur espagnol, je ne commettrai une action infâme. Si nous vous avions pris en combattant, en pleine mer ou sur nos côtes, votre vaisseau nous appartiendrait, et vous seriez nos prisonniers ; mais battus par la tempête, c’est la crainte du naufrage qui vous a jetés dans ce port ; j’oublie donc et je dois oublier que ma nation est en guerre avec la vôtre. Vous êtes hommes, nous aussi ; vous êtes malheureux, et nous vous devons de la pitié. Déchargez, et faites réparer votre vaisseau en toute assurance, vendez même ici ce qui vous sera nécessaire pour acquitter les dépenses que vous ferez. Vous partirez ensuite, et je vous donnerai un passeport jusqu’au-delà des Bermudes. Si vous êtes pris après avoir passé ces îles, le droit de la guerre vous aura mis dans nos mains ; mais en ce moment, je ne vois en vous que des étrangers, pour qui l’humanité réclame du secours. »

S…



  1. L’Espagne était alors en guerre avec l’Angleterre.