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DE LA NEUTRALITÉ.

si nos droits se croisent et se nuisent, c’est par l’effet d’une nécessité inévitable ; ce conflit arrive tous les jours dans la guerre. Lorsque j’épuise une contrée d’où vous tirez votre subsistance, lorsque j’assiége une ville avec laquelle vous faisiez un riche commerce, je vous nuis sans doute, je vous cause des pertes, des incommodités, mais c’est sans dessein de vous nuire ; je ne vous fais point injure, je ne fais qu’user de mon droit. »

Pour établir d’une manière précise quels sont les points sur lesquels le pouvoir des belligérans peut justement s’étendre à l’égard des neutres, on divise la mer en deux parties, l’une est la mer proprement dite, et l’autre est désignée sous le titre de mer territoriale. Une nation qui occupe un rivage quelconque aura la souveraineté de la mer adjacente, et y jouira des mêmes droits qui lui appartiennent sur le continent. Voilà la mer territoriale ; or, du moment que cette mer est considérée, sous le rapport de la possession, à l’égal d’un territoire, aussitôt qu’elle est soumise à une domination nouvelle, les neutres doivent se conformer aux lois que le dominateur y promulgue ; car on doit entendre par pays soumis, non-seulement ceux que les belligérans possédaient avant la rupture, mais encore les pays ennemis occupés par leurs armes ; et l’on ne doit faire aucune attention au titre du possesseur, mais seulement à la possession actuelle, qui suffit pour donner le droit de juridiction. Dès-lors le pouvoir d’arrêter les navires se trouve limité aux lieux où mouille la flotte formant le blocus, la mer territoriale ne s’étendant guère au-delà de quelques milles de la côte. Le reste de la mer n’est du domaine de personne, elle est la propriété de tous. Si un peuple s’en empare, s’il s’arroge le privilége exclusif de la traverser, s’il repousse, par la crainte du pillage, tous ceux qui veulent en user comme lui, il se place par cela même au ban des nations, attendu que la liberté de l’Océan n’intéresse pas seulement ceux qui font le commerce avec leurs propres navires ; elle est un bienfait univer-