Page:Revue des Deux Mondes - 1829 - tome 1.djvu/327

Cette page a été validée par deux contributeurs.
309
ADMINISTRATION LOCALE.

L’institution des Magistrats, avec des avantages éminens, est profondément viciée par l’absence complète de responsabilité. Ils sont irresponsables par les clauses légales qui les protégent, par la partialité avouée de la cour du banc du roi en leur faveur, parce qu’ils n’ont au-dessus d’eux aucun contrôle administratif, et enfin parce qu’ils ne sont point élus. Quand on songe qu’un magistrat a le droit de faire arrêter un des sujets du roi (car tel est encore le terme d’usage en Angleterre), de le mettre en prévention, de le juger correctionnellement en petty sessions, criminellement en quarter sessions, en appel, après l’avoir condamné en première instance ; de le juger, dans ses démêlés trop fréquens avec le fisc, dans ses contestations avec les diverses administrations locales ; de le surveiller dans l’exercice de son industrie ; de régler sa taxe des pauvres, sa taxe des routes, sa taxe pour le comté ; de lui appliquer la loi lorsqu’il est pauvre, pour le faire admettre dans la paroisse ou pour l’en faire exclure, et mille autres petits moyens de vexation que la loi met entre ses mains ; qu’il prend, en outre, une part active à plusieurs branches importantes de l’administration locale ; lorsqu’on pense que tous ces pouvoirs sont exercés sans aucune responsabilité ; que la décision du magistrat, souvent dans les petty sessions, et presque toujours dans les quarter sessions, est définitive et irrévocable ; qu’il n’est contrôlé ni par les tribunaux, qui se font une loi de repousser la plainte, ni par les citoyens dont il n’est pas le mandataire : on se demande s’il est question de l’Angleterre, ou bien de ce que nous nous imaginons être la Turquie.

On me parlera de la puissance des mœurs, des habitudes, de l’opinion, comme servant de correctifs à ce système. Cela est vrai jusqu’à un certain point : en petty sessions, en quarter sessions, occupés à rendre la justice, ou bien à délibérer sur les affaires du comté, les Magistrats sont toujours en présence du public. Même lorsqu’ils exercent dans leurs propres maisons, ils n’ont pas le droit de s’y soustraire à la publicité,