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SOUVENIRS DU BRÉSIL.

le jour si long-temps souhaité arriva ; les braves gens de la capitale, accablés de fêtes, tombèrent dans un épuisement complet, semblable à celui qui suit un fort accès de fièvre ; l’arrivée de lord Cochrane les réveilla de cet assoupissement. Sollicité par l’Empereur, le brave marin quitta le service du Chili, et doubla le cap Horn, pour arracher à la domination européenne la dernière portion de l’Amérique méridionale. Le lendemain de son arrivée, sa Seigneurie fit hisser son pavillon, comme lord haut amiral du Brazil, à bord du Pedro primeiro, et mit pied à terre au milieu d’un salut général des forts et des vaisseaux de guerre. Les Braziliens coururent en foule recevoir leur libérateur. Dans leur enthousiasme, rien ne leur paraissait impossible sous un commandant si expérimenté. Hélas ! que la faveur populaire est inconstante et de courte durée ! Celui dont l’habileté et l’intrépidité sans égale terminèrent glorieusement cette lutte, celui dont le nom seul arrêta la révolution des provinces du nord, et préserva l’intégrité de l’empire, fut forcé, par un acte de la plus odieuse injustice, à se retirer du service, et avec une précipitation telle, que, dans l’ignorance des faits, on pourrait lui attribuer des motifs qui ne doivent pas s’imputer à un homme d’honneur.

Il existe peu de rapports de société entre les étrangers et les habitans du Brazil. Mon compagnon et moi cependant, nous fûmes assez heureux pour nous faire présenter à plusieurs familles, qui nous reçurent avec beaucoup de bonté et d’hospitalité ; mais aussi on nous ennuyait à mourir par de longues dissertations sur des questions abstraites de politique et de métaphysique. On feuilletait l’histoire, on passait en revue toutes les constitutions politiques qui ont figuré sur la scène du monde depuis Solon jusqu’à nous. Cette fureur de disputer était portée à un tel point, qu’on nous arrêtait dans les rues, et on nous forçait, au risque de recevoir un coup de soleil, d’entendre