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RUSSIE.
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la garde. Les principautés, abandonnées à l’avance, furent occupées sans résistance, et le passage du Danube fut à peine défendu. Grâce même à la trahison des Cosaques zaporogues, qui payèrent par un lâche abandon l’hospitalité généreuse que la Porte leur accordait depuis un siècle, ce passage eut quelque chose de triomphal. La flotille, ornée de banderolles, sillonnait le fleuve ; des rameurs zaporogues conduisaient la barque de l’empereur, et quelques coups de fusil tirés de loin suffirent pour donner à l’armée le simulacre d’un combat. Le plan du sultan était habile : une bataille dans les plaines ouvertes de la Valachie aurait pu compromettre le sort de l’empire, tandis que les forteresses du Danube, lui offrant la plus belle ligne de défense qui soit en Europe, montraient encore autour d’elles les marais fangeux de la Bulgarie et la chaîne profonde du Balkan. En effet, l’armée russe avait à peine abordé la rive droite du fleuve, qu’elle dut s’arrêter. On s’aperçut qu’il fallait s’emparer au moins d’une place forte pour protéger le passage des troupes, ou assurer la retraite en cas de revers ; le siége d’Ibraïl fut résolu. Ibraïl n’est qu’une place de troisième ordre. Elle n’était occupée que par une faible garnison ; mais les Turcs se multiplient derrière des murailles, et les Russes purent connaître, dès ce moment, quels ennemis ils auraient à combattre. Déjà les assiégeans avaient éprouvé de grandes pertes. Le grand-duc Michel, qui commandait le siége, renfermé seul dans sa tente, s’abandonnait à une profonde douleur. La fin de juin approchait, et la division principale, où se trouvait l’empereur, n’avait pas dépassé le camp de Trajan ; on ne pouvait rien entreprendre sans la prise d’Ibraïl. Ce fut alors qu’on transporta des magasins d’Ismaïl la plus grande partie des munitions destinées pour les besoins de toute la campagne. Six mille fusées à la Congrève lancées nuit et jour portèrent l’incendie sur tous les points. Le commandant turc demanda enfin à capituler. Les conditions furent honorables pour les