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VARIÉTÉS.

voix tonne, il semble écraser son adversaire de toute la hauteur de sa taille d’athlète, et de toute la force de son improvisation éloquente et rapide.

Nous restâmes plus de six heures et demie à table ; ainsi nous eûmes le temps d’écouter bien des discours, de crier bien des hurrah, de porter bien des santés. Le discours le plus remarquable de la soirée fut celui d’O’Connell en réponse au toast proposé en son honneur. Il nous parla de sa conduite politique passée et de sa conduite à venir, professa les maximes du radicalisme le plus complet, le plus effrayant, et sembla ne reculer devant aucune des conséquences terribles qu’un nivellement social entraîne toujours avec lui. Un tel langage dans la bouche des champions du catholicisme n’a rien qui doive étonner ; leur position les y force. La masse des catholiques a été tenue dans l’abaissement et la pauvreté, elle est nécessairement ennemie de ce qui est ; pour s’élever, il faut qu’elle détruise. Les catholiques doivent aimer la constitution protestante, à peu près comme les Grecs aiment la constitution turque.

Pendant les discours d’O’Connell, je me plaisais à observer avec quel ton absolu il nous parlait de liberté. Je remarquais son geste du bras, geste impérieux d’un homme accoutumé à diriger à son gré une multitude obéissante. Jamais monarque n’eut la main plus habituée des signes de commandement, et, malgré moi, il me vint à la pensée que de nos jours, comme au temps des Gracques, les tribuns populaires sont souvent des despotes déguisés.

Dès que le chairman eut quitté son fauteuil, je me retirai. J’étais satisfait de ma soirée ; j’avais vu un spectacle très-animé ; j’avais entendu un orateur tel que vous n’en avez point en France. Le nom de Daniel O’Connell, chéri en Irlande, fameux en Angleterre, mérite aussi d’être connu sur le continent. Il est impossible de ne pas admirer cet homme qui parle avec tant d’art, et a toujours l’air de s’abandonner à une