Page:Revue des études slaves, t. 1 et 2, 1921-1922.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Taman', des Huns dans les steppes s’étendant entre la Volga elle Dněstr.


La région kiévienne se trouvait ainsi sans maîtres. Mais de nouveaux maîtres ne tardèrent pas à se montrer. C’étaient des voisins immédiats des Germains, installés sur le versant nord des Carpathes et sur la haute Vistule : ils habitaient là de longue date ; Ptolémée les y avaient connus : Vénètes, Sclavènes et Antes. C’étaient les ancêtres des Slaves de la Russie et des Balkans. Ils avaient un temps fait partie de l’empire des Gots, mais ils n’avaient pas suivi ceux-ci dans leur marche vers l’occident. Aussi, comme autrefois les Germains, se mirent-ils, au cours des Ve et VIe siècles, à occuper toute la région du Dněpr en avançant de plus en plus loin vers le sud. Dès le milieu du VIe siècle, le Got Jordan avait connaissance de leur présence à la fois sur le Dněpr et dans les steppes du sud jusqu’à la mer Noire. Une domination slave dans la Russie méridionale se substituait ainsi à la domination germanique, et les vieilles routes du commerce mondial passaient entre les mains des Slaves. Ceux-ci, comme il va de soi, héritaient en même temps de l’ordre de choses de leurs prédécesseurs. Ils s’établissaient dans leurs villes du Dněpr, se mêlant à ceux des habitants anciens qui y étaient restés ; ils se fixaient aussi dans les centres commerciaux du nord. Sur ces entrefaites, à l’aube de cette vie nouvelle pour eux, un grand péril vint menacer les Slaves : une nouvelle vague de conquérants venus de l’Orient s’abattit sur eux et faillit les entraîner avec elle jusqu’en occident. C’étaient les Awars. Mais la nation slave trouva en elle-même les forces nécessaires à la défense de son indépendance, et la Chronique en a gardé jusqu’à présent le souvenir dans la formule « ils périrent comme des obri » (en russe «погибоша яко обри »).

Les Slaves poussèrent dans le pays du Dněpr de profondes racines. Ils s’avancèrent en même temps bien loin vers l’est et vers le sud. Rostov, dans le bassin de la Volga, et Tmutarakan', dans le détroit de Kerč, témoignent de cette rapide expansion. Les circonstances leur étaient favorables. Leurs relations avec les tribus allemandes du nord leur garantissaient la force militaire. Les nouveaux maîtres des steppes du sud, les Khazars, s’étaient solidement établis sur la Volga et le Don, développant leur commerce et se contentant de soumettre les Slaves à un faible lien de vasselage. Dès les VIIe et VIIIe siècles, les vieilles routes du commerce s’étaient ranimées, le commerce florissait à nouveau en Russie, le