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Tous ces faits me font croire que les Gots en Russie ont suivi la même politique que celle qu’ils devaient adopter postérieurement en Italie. Leur empire était comme une renaissance de l’empire scythe avec la seule exception que les Gots n’étaient pas des nomades et qu’ils n’avaient pas peur de la mer comme en avaient toujours eu peur les Iraniens. Ce sont les Gots certainement qui ont maintenu la tradition multiséculaire des états commerçants et guerriers de la Russie méridionale et qui ont montré aux Slaves, leurs successeurs dans les steppes de la Russie méridionale, la route de Constanlinople et des cités grecques de la côte méridionale de la mer Noire. N’oublions pas que les Slaves ont été les successeurs des Gots à Panticapée (Kerč, Кѣрчевѣ) et à Phanagorie (Tmutarakan') et que, dès une époque très reculée, ils sont entrés en relations avec la Chersonèse byzantine.

Cependant, guerriers et marins, les Germains étaient toujours attirés par le monde de richesse que représentait à leurs yeux l’empire romain, ce monde avec lequel ils étaient en contact étroit sur le Danube et sur le Rhin. Ils étaient séduits à la fois par l’appât d’un beau butin et par l’éclat de la vie civilisée. La force de résistance de l’empire au IIIe siècle, par l’effet de troubles intérieurs, allait toujours faiblissant. Les portes des frontières commençaient à s’entrouvrir. La ligne du Danube surtout était la plus vulnérable, frontière purement militaire, sans l’appui d’un arrière-pays civilisé tel que la Gaule ou l’Italie. Il fallut toutefois aux Germains une pression extérieure pour leur faire surmonter l’effroi superstitieux que leur inspirait l’invincibilité des légions romaines ; cette pression fut celle de la première vague, roulant du fond de l’Asie, des terribles envahisseurs mongols. Les Huns apparurent, chassant de Russie une partie des peuplades germaniques et iraniennes, les Visigots et une partie des Alains et des Sarmates qu’unissait aux Gots une sorte de fédération. Puis, quelque temps après, les Huns s’en allèrent à leur tour, emmenant avec eux les peuplades d’Ostrogots qu’ils avaient soumises et un groupe d’Alains. La Russie était dès lors nette des Germains, des Iraniens et des Mongols ; il n’en subsistait plus que çà et là quelques îlots : des Alains dans la région de la Ruban', des Gots en Crimée et dans la péninsule de