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J.-C., et son rôle, à coup sûr, devait être considérable pour les destinées de la future Russie. Une tribu iranienne fortement constituée, ayant développé jusqu’à la perfection son organisation militaire, avait réussi à rassembler sous son autorité la majorité des tribus situées entre la Volga et le Danube : elle y avait réussi en leur garantissant la possibilité d’une paisible extension économique et d’un libre écoulement de leurs produits, par l’intermédiaire des colonies grecques, vers la mer Noire. Blé, poissons, peaux, toutes marchandises soit des populations nomades, soit des populations sédentaires de la Russie du sud, étaient transportés sur les fleuves pour trouver en Grèce un marché sûr. Les fleuves transportaient pareillement, de la Russie centrale et même septentrionale, dans la direction du sud, fourrures, cire, cuivre et tous produits de l’activité de chasseurs et de forestiers des Finnois du nord. De l’Asie centrale, et par la route que l’on a indiquée, des caravanes se dirigeant surtout vers les embouchures du Don et de la Kuban' apportaient aux colonies grecques les produits de l’Orient[1].

L’existence d’un puissant empire sur les rives de la mer Noire, durant plus de quatre siècles, permit à la civilisation, qui était éminemment une civilisation de commerçants, de s’épanouir magnifiquement dans toute la Russie méridionale tout en gagnant sans cesse vers le nord. Les fouilles archéologiques des régions du Dněpr et du Don établissent que, dans l’une comme dans l’autre, et sur le cours moyen de ces fleuves aussi bien que sur le cours inférieur où les Grecs prédominaient, d’anciennes habitations préhistoriques s’étaient développées jusqu’à devenir de grandes villes fortifiées et, de toute évidence, de grands centres commerciaux. Ces villes s’étaient surtout développées dans la région qui devait être plus tard le centre de la Russie kiévienne, celle des gouvernements de Kiev, de Poltava, de Černigov et de Podolie, sur le Dněpr, sur la Desna, sur la Sula, sur le Psël et sur le Bug.

Malheureusement l’exploration archéologique des restes de ces cités, qu’on compte par centaines, est encore dans son enfance. Les fouilles archéologiques sont difficiles dans les ruines de cités qui avaient été construites en terre et en bois, où il n’y avait pas de constructions en pierres ni même de constructions en briques,

  1. Voir sur l’histoire préslave de la Russie mon livre : The Iranians and the Greeks in South Russia, Oxford, 1922, où l’on trouvera mes vues exposées en détail et une bibliographie.