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De la partie concernant l’attelage, je dirai peu de chose, ayant ici même parlé assez longuement du premier ouvrage du commandant Lefebvre des Noëttes[1]. Je me bornerai à constater que cette seconde édition est, non seulement plus riche, mais beaucoup plus claire que la première. Je renouvelle aussi les réserves que j’ai faites, et que d’autres font comme moi, sur le caractère un peu trop absolu de la thèse. Assurément, l’insuffisance du rendement animal a été l’une des causes de l’institution de l’esclavage ; peut-être est-il excessif de dire qu’elle en fut la cause unique. « Cette vérité veut quelque adoucissement », comme dit Molière, ou, comme dit M. Carcopino, cette théorie « appelle ici et là quelques atténuations ». Elle contient cependant une grande part de vérité, ce qui est assez rare pour une idée neuve.

La seconde partie montre comment a évolué le harnachement du cheval de selle et quelles ont été les conséquences de cette évolution pour l’emploi tactique de la cavalerie. L’insuffisance du harnachement n’a pas eu de conséquences aussi graves et d’une portée aussi générale que celle du harnachement de trait. L’étude en est cependant fort intéressante, apporte nombre d’idées neuves, souvent importantes, et éclaire plus d’un passage des historiens anciens.

Le cheval a été utilisé comme monture beaucoup plus tôt qu’on ne pourrait croire : il apparaît comme tel, en Mésopotamie, dès le IVe millénaire. Le harnachement, bien entendu, était fort élémentaire (mors de bridon et rênes). Mais il se passa bien des siècles avant que le cavalier se sentit assez ferme pour oser se servir de cheval à la guerre : ce n’est guère qu’à la fin du IIe millénaire qu’apparaissent les premières figurations de cavaliers armés et au ixe siècle seulement que la cavalerie, en Assyrie, joue un rôle, encore bien effacé, dans la bataille. Peu à peu, elle se développe et en Assyrie et en Perse, puis en Grèce et en Italie, et, longtemps après, en Europe occidentale.

Mais tous ces cavaliers montaient sans selle proprement dite et sans étriers. Ils n’avaient donc pas l’assiette suffisante pour supporter un choc violent ; par conséquent, ils ne pouvaient pratiquer la charge proprement dite et toute leur tactique consistait à s’escrimer de la lance ou à lancer le javelot ou les flèches, sans venir jamais au contact.

C’est en Chine qu’apparaissent pour la première fois la selle d’abord, au vie siècle, de notre ère, puis, au viie, les étriers. Ces inventions passent dans le Turkestan, puis dans l’Inde, et, peut-être apportées par les Arabes, sont adoptées par l’Europe occidentale au ixe siècle, en même temps que le fer à clous. Au bout de trois siècles seulement, semble-t-il, on s’avise qu’elles permettent une nouvelle tactique : le cavalier, bien

  1. Revues des Études anciennes, t. xxx, 1928, p. 224-226.