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SUR NOTRE PROGRAMME

Mais cette synthèse historique, cette psychologie où aspire la Revue nouvelle — qu’est-ce par rapport à la sociologie ? Voilà surtout la question sur laquelle, pour contenter les esprits exigeants, il convient de s’expliquer. C’est la position scientifique de la Revue qu’il s’agit de préciser. Les indications qu’on va donner seront à dessein assez peu appuyées. Il ne faut pas, en effet, qu’on ait l’air d’apporter des solutions dès le début, alors qu’on se propose surtout de faire apparaître les problèmes, pour que tous ici travaillent à les résoudre peu à peu, méthodiquement.

Quelques considérations historiques ne seront d’ailleurs pas, on le verra, sans utilité.

Une période de l’évolution des études historiques en France a commencé aux enviions de 1870 — il ne serait pas absolument juste de dire après les événements de 1870-71. La fondation de l’École des Hautes Études sous le ministère Duruy, la création de la Revue Critique (1866) montrent que la nécessité de transformer notre haut enseignement, de relever notre science, était apparue avant nos désastres. La conviction qui régna après la guerre, que la victoire de l’Allemagne était le triomphe de la science allemande, ne lit que donner plus d’ampleur à la réforme entreprise.

On trouve dans l’importante Introduction que M. Monod, en 1876, a écrite pour la Revue Historique, des renseignements sur l’étal de l’histoire, en France, à cette époque. « On a, dit-il, compris le danger des généralisations prématurées, des vastes systèmes a priori qui ont la prétention de tout embrasser et de tout expliquer… On a senti que l’histoire doit être l’objet d’une investigation lente et méthodique où l’on avance graduellement du particulier au général, du détail à l’ensemble ; où l’on éclaircisse successivement tous les points obscurs afin d’avoir des tableaux complets et de pouvoir établir sur des groupes de faits bien constatés des idées générales susceptibles de preuve et de vérification » (pp. 33-34).

Or, si l’on considère la nature du travail historique dans ce dernier tiers de siècle, cet effort prudent, limité de parti-pris, cette préoccupation d’une « bonne méthode » à appliquer plutôt que de larges résultats à obtenir, on comprend mieux les progrès rapides de la sociologie, la popularité qu’elle a conquise. — Sans doute, les causes de ce succès sont multiples : la plus importante de toutes, c’est l’excellence de cette idée qu’il y a du social en his-