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permettent les lois spéciales de la nature humaine et en accord profond avec ces lois, à recomposer l’expérience future.

De cet effort d’analyse, je voudrais que le cours de cette année soit un exemple.


III

S’il est une question qui a tout spécialement attiré, et de façon heureuse et puissante, l’attention des théoriciens du matérialisme historique — c’est celle de la genèse de notre société moderne. J’entends, de notre société moderne considérée comme société bourgeoise.

Relisons, dans la traduction de Ch. Andler, les pages du Manifeste Communiste, les pages bien connues dans lesquelles, avec une vigueur, une force, une puissance d’enchaînement et de déduction vraiment remarquables, Karl Marx et Engels formulent ce qui est pour eux la grande loi de l’Histoire Moderne. Puis, arrachons-nous au prestige d’une généralisation si vigoureuse et si ordonnée. Prenons ces pages pressantes non comme type de démonstration, mais comme objet de discussion. Prenons-les, si vous voulez, corps à corps, membre par membre : quelle belle occasion, en vérité, de confronter nos méthodes d’analyse avec ces procédés de synthèse ambitieux, ou plutôt, avec cette réduction à l’unité vraiment un peu rude ?

Cette confrontation, ce sera tout l’objet de notre travail de cette année. Réduisant le champ de notre expérience ; ne sortant point des limites d’un seul pays, d’un seul domaine de civilisation : la France ; appliquant notre effort uniquement à la première moitié d’un siècle par lui-même aussi riche que touffu, le XVIe — cette classe bourgeoise dont on nous parle, nous allons essayer d’abord de la décrire, de la caractériser, de la décomposer en ses divers éléments, de nous la représenter non pas in abstracto, mais telle qu’elle était, en chair et en os, vivante et agissante, à la date et dans le pays que nous étudions. Car, lorsqu’on parle des progrès de la bourgeoisie à l’époque moderne ; lorsqu’on trace cette courbe harmonieuse que nous suivions tout à l’heure à travers les paragraphes successifs du Manifeste et qui, partant de la fin du Moyen-Age, de ce XVe siècle témoin, nous dit-on, des premiers progrès réels de la bourgeoisie,