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Ainsi, la période A serait comme l’esquisse, la préfiguration, la préparation rapide de la période B qui reprendrait, mais avec plus de loisir, plus d’intervalles et d’efficacité, l’ébauche tracée de façon fugitive entre 1789 et 1799.

À quoi bon insister sur le caractère artificiel de cette tentative et de toutes celles qui lui ressemblent[1] — à quoi bon noter les trésors d’ingéniosité que ces théoriciens trop pressés sont condamnés à dépenser vainement pour essayer de plier à leurs vues théoriques des époques historiques délimitées de la façon la plus arbitraire ?

Leur grand tort à tous, c’est de ne pas savoir attendre — de chercher à devancer les temps — de vouloir réaliser la synthèse, avant d’avoir parachevé l’analyse. Comme il est intéressant de suivre le développement et la fortune en histoire de cette notion de Synthèse qui a fini, dans la langue courante des historiens, par prendre le sens véritablement singulier non plus d’opération intellectuelle mais de livre ou de travail d’un certain type. On ne dit plus faire la synthèse, c’est-à-dire l’analyse étant terminée, rechercher comment les éléments simples qu’elles nous a procurés, les facteurs irréductibles qu’elle nous a permis de dénombrer entrent en composition dans une réalité historique donnée ; on dit (et je m’excuse de répéter ces formules, d’un français vraiment abominable) : donner une Synthèse, ou encore élever une Synthèse comme s’il s’agissait d’un hall de marché couvert, ou mieux d’une baraque Adrian — car presque toujours, dans le jargon que je viens de parler à contre-cœur, la synthèse est qualifiée de provisoire. — Opération ? Non, résultat. Mécanisme de recherche et de découverte ? Non ; produit brut ; et produit de médiocre qualité, le mot de provisoire n’est que trop juste, généralement. Conduite comme elle l’est la plupart du temps, la Synthèse historique qui ne repose que sur des analyses inexactes et incomplètes, ne peut mener en effet qu’à du provisoire. Une synthèse précédée d’une véritable analyse, il n’y aurait pas lieu, au contraire, de se demander même un instant si elle est provisoire ou non. Elle serait ou bien faite ou mal faite, sans plus.

  1. Par exemple, celle d’E. Bovet cherchant «l a loi de l’histoire littéraire » et croyant la trouver dans la succession régulière, dans tous les pays, à toutes les époques, de trois aspects successifs de la production littéraire : lyrisme, épopée, drame.