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ce développement : Tâche infinie déjà d’une délicatesse, d’une difficulté telle que pour beaucoup, elle paraît suffire à absorber toute l’activité des historiens. Mais classer les faits historiques selon leur nature particulière et par ordre chronologique en séries homogènes : voilà une nouvelle tâche, une besogne de second degré ; et c’est en elle que, communément, on fait consister le propre de l’œuvre historique. Cependant, les séries une fois constituées, ne devra-t-on point y chercher, soit en les examinant séparément, soit en les comparant entre elles, d’une part des successions, de l’autre des coexistences constantes de phénomènes — c’est-à-dire des lois ? Ne sera-ce point là le couronnement nécessaire du long travail des historiens, sa conclusion, son aboutissement et, en même temps, sa justification ? Nous le croyons de toute notre foi et c’est à préparer méthodiquement, consciemment les voies à un tel travail que nous entendons ici consacrer le meilleur de nos efforts.

Mais précisément, la justification que nous cherchions tout-à-l’heure, n’est-elle point là — dans cet idéal même et cette volonté ? Si l’histoire n’est, comme tant de bons esprits le professent encore, qu’une connaissance de l’individuel et du particulier, de l’unique, de ce qui ne se représente pas deux fois — au lieu d’être, comme je le crois, la discipline critique qui doit départir l’individuel du collectif, étudier leurs rapports et leurs connexions ; si l’historien, par ailleurs, n’est qu’un dégrossisseur de pierres et, circonstance aggravante, de pierres qu’on lui interdit, à lui, d’utiliser pour une construction d’ensemble — mais qu’on déclare par contre matériaux de choix pour le sociologue, ou même le psychologue — alors vraiment, qu’on chasse l’histoire de cette maison et qu’on invite les historiens à consacrer à des tâches plus fécondes une activité dont ils n’ont pas le droit de mésuser dans la grande détresse d’un monde qu’on a quelque pudeur à qualifier de civilisé. L’heure n’est plus des miniatures et des enluminures, des tableaux de bataille et des cartons de tapis. Mais qu’elle vienne vite, par contre, l’heure bienfaisante, l’heure espérée d’une mainmise progressive et méthodique de la science sur l’univers — l’heure où, dans le désordre universel, s’introduira un peu de cet ordre bienfaisant qu’engendre la connaissance et l’application des lois ?