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par une sorte de suggestion volontaire, qu’elle était l’image de la réalité, alors qu’elle traduisait simplement le rêve malsain du plus monstrueux des égoïsmes nationaux ?

La perpétuelle inquiétude d’un esprit toujours en éveil, toujours en action, aussi incapable de se laisser enfermer dans des formules, de devenir le prisonnier de ses attitudes, de ses préjugés — que capable, à chaque instant, de s’adapter avec une rapide aisance aux situations nouvelles et changeantes ; cette mobilité, cette souplesse d’une pensée toujours prête à accueillir les suggestions venues des coins les plus divers de l’horizon — ce n’est pas seulement l’attitude même de la recherche intelligente et féconde ; c’est, j’en atteste tout notre effort d’hier, tout notre effort de guerre aussi ingénieux et varié que tenace et résolu — c’est, pour notre idéal national, pour notre civilisation, pour notre indépendance et notre volonté de paix et de liberté, la meilleure, la plus efficace, la plus sûre des sauvegardes.

L’histoire est une science. Elle n’est pas une avocasserie. Dans l’immense et multiple enquête qui se poursuit, sur le monde à la fois et sur cet autre monde qui est l’homme, par l’effort commun et convergent de toutes les sciences et de tous les savants — elle a sa place, son rôle et sa province. Et si son champ est encore si peu, si misérablement défriché qu’il se trouve, parmi ceux-là même qui devraient y travailler, des hommes incapables de l’embrasser du regard dans son immensité, mais contents, sans plus, de fouiller silencieusement le sol sous leurs pieds, au hasard du piquet où ils sont attachés ; s’il se trouve d’autres hommes pour railler les ouvriers de bonne volonté qui, ne se résignant pas à enterrer leur effort dans une tranchée stérile, tentent, si petit et faible soit-il, de l’harmoniser aux efforts voisins et de le faire servir d’avance à la réalisation du grand plan qu’ils regardent comme possible et nécessaire — c’est que l’histoire est, tout simplement et tout immensément, cette chose formidable, ce fronton énorme d’un édifice dont les premières assises même ne sont pas encore bien établies et fondées pour l’avenir : La science, non pas des sociétés humaines, comme le disait, non sans intentions polémiques, Fustel de Coulanges dans sa préface de l’Alleu — mais la science du développement de l’homme à travers les âges, ce développement étant, en fait, conditionné par le groupement des hommes en société. Établir scientifiquement les faits utiles à la connaissance de