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Ce ne sont pas des lettrés, des érudits, des historiens qu’il nous faut. Pour réparer tant de dommages, pour remettre debout le vieux monde qui chancelle, il nous faut des savants — et non pas de ces savants de cabinet, de ces méditatifs, de ces philosophes de Rembrandt plongés dans le clair obscur perpétuel d’une cellule sans ouvertures sur la vie du siècle — des ingénieurs, des techniciens, des industriels, des hommes de pratique et d’action, des hommes d’argent en même temps puisque l’argent, c’est à la fois et de plus en plus le moyen du travail et la fin de l’individu. Moi qui vous apporte de l’histoire, ai-je le droit ? Le droit personnel de donner mon temps, mon activité, ce qui me reste de vie, à l’histoire ; le droit surtout, parlant en maître à mes disciples, à mes étudiants, à vous-même, d’encourager les autres à suivre la même voie que moi ? Pour vous, pour moi, l’examen s’impose. Mon droit, il faut que je le reconnaisse s’il existe, et que vous le proclamiez avec moi. Il faut que dans l’immense chantier du monde renaissant — du monde qui doit proscrire et détruire tout les frelons et tous les parasites — vous ne remettiez pas à une vieille routine le soin de donner une place à l’histoire.


I

Quel vain scrupule, pensera-t-on peut-être ? L’histoire en général, l’histoire moderne en particulier ne portent-elles pas en elles-mêmes leur justification ? Elles la trouvent aisément dans leur utilité nationale.

Comme l’ingénieur, comme le grand industriel et le savant technicien l’historien doit travailler à la gloire, à la grandeur, à l’expansion de son pays, comme eux, de même qu’eux, en collaboration et en liaison constante avec eux, par des méthodes toutes semblables aux leurs. Suivre leurs progrès pas à pas, les préparer d’avance, les justifier, les prolonger à la fois dans le passé qui, par avance, détermine et explique le présent — et dans l’avenir sur lequel, s’il a quelque talent, l’historien doit bien savoir projeter l’ombre élargie et pleine de promesses du présent — telle est sa tâche, telle sa fonction dans la grande œuvre d’expansion et de restauration de son pays. Et quelle tâche, plus belle à la fois et plus aisée, au