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REVUE
DE
MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE


TESTAMENT PHILOSOPHIQUE[1]

Bossuet a dit : « Lorsque Dieu forma les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté. » Il n’en est pas moins vrai que dès

  1. En publiant le « testament philosophique » de F. Ravaisson, nous devons au lecteur un mot d’explication.
    Ce « testament » n’a pas été écrit par F. Ravaisson tel qu’on le présente aujourd’hui au public. La mort l’avait empêché de terminer son œuvre. Dans ses papiers, recueillis pieusement par les soins de ses enfants et que ceux-ci ont bien voulu nous confier, nous n’avons trouvé que des fragments épars. La longueur de ces fragments variait de quelques lignes à plusieurs pages : c’était comme des ébauches successives et partielles de l’œuvre inachevée, ébauches incomplètes sans doute et parfois trop brèves, mais toujours intéressantes et suggestives.
    Si précieuses cependant que fussent de pareilles ébauches comme témoignage de la méthode de travail de F. Ravaisson, il nous a semblé, après un examen attentif, qu’il y avait mieux à faire que de publier ces fragments dans le désordre où ils se trouvaient, d’autant qu’une telle publication, légitime pour d’autres, eût été une espèce de trahison envers la pensée de celui qui voyait dans la synthèse la forme même, la forme nécessaire de la vérité comme de la beauté.
    Nous avons donc cherché dans ces ébauches partielles le fil conducteur et pour ainsi dire le vivant esprit de l’ouvrage, nous avons cherché, conformément à la méthode du penseur, à reconstituer la synthèse créatrice. Nous l’avons pu tenter sans trop de hardiesse, parce que le plan de l’ouvrage se trouvait indiqué dans les fragments par l’auteur lui-même, parce qu’à maintes reprises et sous différentes formes, chacune des parties de ce plan avait fait l’objet de ses réflexions, de réflexions mises par écrit.
    Sans doute la difficulté était grande de relier ces fragments épars, de rétablir entre eux la continuité de la synthèse ; cependant, après une lecture appro-