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son état est bonté ? Or, comme on l’a vu, la bonté, comme la beauté par excellence, c’est l’amour. Cet état c’est aussi celui de l’âme. L’âme est donc immortelle. Son association au corps est une diminution d’existence. Libérée du corps, elle n’aura donc que des raisons d’être.[1]

Les corps nuisibles nous appesantissent, dit Virgile ; délivrés d’eux par la mort, il est à espérer que l’àme volera d’une aile plus légère aux régions célestes. Comme le crurent les Platoniciens, comme paraît le croire aussi Leibnitz, ce ne sera pas assurément sans conserver, au moyen de la partie la plus subtile de son organisation (lumière visible ou invisible et mieux encore électricité)[2], ses relations soit de passé, soit d’avenir avec le monde physique. Mais sans doute ce ne sera plus dans un état de séparation absolue qui pose entre les différents êtres des limites infranchissables. Nous serons bien plus près d’être, les uns avec les autres dans une unité profonde de substance et d’action.

Les Platoniciens représentaient les idées dont se composait un monde intelligible comme étant telles que dans chacune se voyaient toutes les autres. Sans doute il en sera ainsi des âmes : elles seront comme pénétrables les unes avec les autres, sensibles aussi les unes aux autres, tout le contraire du séparatisme de l’heure présente.

Si donc il y a des raisons de croire que dans une vie future les facultés intellectuelles s’accroîtront, on a des raisons aussi de croire qu’après l’expérience de la vie terrestre et le passage à une vie nouvelle qui l’éclairé d’une tout autre lumière, il sera surtout ainsi des

  1. Variante : L’âme prenant conscience de ce qu’il y a en elle de divin, comme l’a dit Spinoza et à plus juste titre, nous sentons, nous éprouvons que nous sommes immortels. La science démontre que la puissance de mouvoir, la force vive si mêlée aux corps ne subit pourtant, parmi tant de chocs et d’arrêts, aucune diminution. Pourquoi en serait-il autrement de la puissance de vouloir et de penser. Au contraire, séparés par la mort du corps visible, car il n’est pas prouvé qu’elle le soit alors du corps subtil qui est l’instrument immédiat de sa puissance motrice, il y a plutôt des raisons de croire qu’elle sera d’autant plus libre et plus maîtresse. Plus détachée de la nature, elle en devra être d’autant plus près de la divinité et plus étroitement unie à elle.
    Il est à croire seulement que ce ne sera pas sans subir pour cette métamorphose une nouvelle purification.
  2. Sur cette terre, de période en période et comme d’onde en onde, nous arrivons enfin à la mort et là, par un acte suprême de volonté, si nous en croyons Gœthe, nous dépouillerons, pour entrer dans la sphère des esprits, les lourds vêtements devenus sans usage et ne garderons d’organisme que les courants électriques, véhicules des forces élémentaires.