Dieu forma les entrailles de l’homme, il y mit premièrement la bonté. » En d’autres termes moins figurés on peut dire : c’est le fond de notre être que l’amour. L’enfant l’apprendrait d’ailleurs, si c’était chose qui s’apprît, du sourire de sa mère dont le poète a dit :
« Incipe, parve puer, risu cognoscere matrem ».
En même temps, avec la faculté du retour sur soi qui appartient à la volonté comme à l’intelligence, l’idolâtrie, le culte de soi-même prend naissance qui dispute à l’amour le cœur de l’homme. C’est là le mal radical duquel ont parlé Kant et la théologie germanique. Nous y soustraire dépend de nous et, aussitôt cette ivraie arrachée, apparaît et règne l’amour. Nous ne sommes au monde pour autre chose que pour aimer, a dit Pascal.
Les initiés aux mystères d’Eleusis chantaient : « J’ai fui le mal et trouvé le meilleur ». Ce qu’était le mal le Christianisme vint le révéler en disant : Qui cherche son âme la perdra.
Révélation en termes encore obscurs, mais qu’éclaire cette autre parole nous invitant à écarter le double qui fait obstacle à notre véritable et supérieure personnalité : « Soyez simples comme des colombes ». Même sens dans cette autre parole encore sur la simplicité : « Qui ne ressemble à ces enfants n’entrera pas au royaume céleste. »
Plotin dit : « Simplifie-toi ». Dans ce seul précepte il a cru faire tenir toute la morale. La pluralité, en effet, c’était pour le Platonisme l’élément inférieur, source de tous les maux et qu’ils identifiaient avec la matière. Le simple, l’Un, c’est Dieu. Se simplifier, c’était pour l’âme retourner au premier et suprême principe, rentrer en lui.
Dans les mystères d’Éleusis la purification ou simplification était le premier moment. Le second était la vue des dieux, le commerce avec eux[1]. Il en est de même dans la religion chrétienne. Le baptême auquel était jointe à l’origine la pénitence, et le sacrement, ou mystère préparatoire destiné à symboliser la purification du fidèle, l’eucharistie, le mettaient en communication immédiate avec le Sauveur.
L’âme délivrée du mal, elle était prête pour le suprême bien. L’eucharistie elle-même n’était encore du reste qu’un préliminaire.
- ↑ En termes plus modernes, la vision céleste, dit Emerson, n’est que pour l’âme pure, dans un corps chaste et net.