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revue de métaphysique et de morale.

La musique n’imite point, comme les arts du dessin, des formes corporelles, mais les accents que donnent à la voix les sentiments de l’âme. Les lois n’en sont pas moins analogues à celles des arts. Pour n’en dire qu’un mot, une pièce de musique est comme un démembrement d’un thème fondamental en des parties où son identité se maintient sous diverses modifications. Le type en est la fugue où le thème semble tour à tour se fuir, comme le dit le mot, et se rechercher, se perdre et se retrouver. Partout une diversité où passe à l’état actuel ce que renfermait à l’état virtuel le motif, et dans tout le développement, pour fond de tout le développement, une division entre un dessin par lequel s’exprime l’idée principale et une basse qui l’accompagne d’une espèce d’écho. Ainsi accompagnent la lumière et les couleurs principales, et les modifient en s’y mêlant, les reflets que renvoient les milieux. Dans le développement musical, comme dans celui des figures, la loi est une perpétuelle union de contraires pourtant harmoniques, qui trouve sa plus haute formule dans l’union sexuelle et créatrice.

Au-dessus des arts du dessin, au-dessus des arts libéraux eux-mêmes, ainsi appelés parce qu’ils doivent être supérieurs à tout intérêt servile, il y a ce que les Stoïciens appelaient l’art de la vie et qu’on nomme communément la morale, art supérieur, car il a pour objet une beauté plus haute encore que celle du corps humain, à savoir celle de l’âme.

La partie la plus haute de l’art plastique est de former, comme l’a dit Léonard de Vinci, des images de l’âme. L’art de la vie façonne l’âme. C’est donc l’art le plus élevé de tous. Dès lors, c’est là que se doivent rencontrer à leur plus haut degré de pureté les méthodes efficaces.

La morale doit être la régie de la conduite et, en conséquence, de la volonté. Cette règle, plus encore que dans la plastique ou la rhétorique, est l’unité.

La vie devait, disaient les Stoïciens, être conforme à elle-même. À la constance se connaissait la sagesse[1].

Mais ce devait être la constance dans le bien. Or qu’était-ce que le bien ? Le vulgaire avec Épicure le voyait dans le plaisir, que l’analyse

  1. Sénèque remarque qu’on délibère généralement de telle ou telle partie de sa vie, mais que personne ne délibère de l’ensemble de sa vie. Et la vie pourtant devrait fournir un tout homogène.