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revue de métaphysique et de morale.

L’initiation est ici aussi une purification, opérée par un commerce assidu avec les chefs-d’œuvre de l’art d’abord et ensuite de la nature, une union féconde de l’âme avec l’esprit divin. L’erreur fut donc grande de ceux qui, en ce siècle, voulurent réduire l’art du dessin, fond commun des arts plastiques, à une espèce de science fondée, au moins en apparence, sur la géométrie. Ce fut une invention d’un instituteur suisse, Pestalozzi, qui crut trouver ainsi le moyen de mettre l’art du dessin à la portée des classes ouvrières. Assez familier avec la géométrie à laquelle il inclinait à assujettir toute l’éducation, il enseigna à simplifier les contours des choses, si compliquées chez les vivants, en les réduisant à des lignes droites ou circulaires. C’était altérer les formes en les avilissant, les réduisant, à la manière des matérialistes, à des éléments infimes. C’était surtout ne considérer que des détails, sans acception de l’ensemble, ni du principe[1].

Or c’est la considération de l’ensemble et du principe qui fait l’art[2]. Aussi voit-on ceux qui appliquent la prétendue méthode de Pestalozzi recourir, pour établir l’ensemble, à un moyen mécanique de mise au point qui laisse sans emploi le jugement dans lequel consiste, disait Michel-Ange, tout le dessin ; et le laisser sans emploi, c’est faire qu’il s’oblitère irrémédiablement.

Pour exécuter avec plus de facilité et d’exactitude un ouvrage déterminé, a écrit Léonard de Vinci, on peut recourir à des moyens mécaniques de mesure. Mais ceux qui s’en servent dans le cours de

  1. L’erreur radicale de Pestalozzi a été de croire, dans son ignorance de l’art, qu’une figure devait être formée par l’artiste comme elle l’est par le géomètre, par une succession d’abstractions qui sont les contours.
    Tout au contraire l’artiste cherchant l’esprit de la forme, l’âme de la chose, va de l’ensemble aux détails.
    Apprendre à dessiner, c’est apprendre à saisir tout d’abord le tout dans sa masse, mieux encore, saisir le principe morphologique qu’accuse la masse, puis, de degré en degré, le rapportant toujours à l’ensemble, tout le détail.
  2. Descartes, dans son Traité de la direction de l’esprit, avait dit que la méthode consistait à préparer l’intuition, la vue simple de l’essentiel. Pascal avait distingué deux espèces d’esprit, l’un qu’il appelle l’esprit géométrique et qui procède par déduction ou enchaînement d’idées, l’autre qu’il appelle l’esprit de finesse et auquel il attribue la fonction de saisir les objets dans leur ensemble, d’une vue, et auquel il accorde la primauté sur l’autre. C’était évidemment reprendre la pensée d’Aristote d’après laquelle il ne faut pas toujours procéder par déduction de raisons, mais au contraire dans la recherche des principes par voie de rapprochement préparant l’intuition. Leibnitz lui-même, si favorable à la logique, reconnaît que la méthode dans l’invention et surtout dans celle des principes consiste dans l’emploi des similitudes et de la combinaison.