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revue de métaphysique et de morale.

leurs systèmes les éléments les plus petits et doués des moindres propriétés sont ce qu’il y a de plus réel et, l’unité sous laquelle on les assemble n’est qu’une sorte de surcroît qui n’a guère d’existence que pour l’intelligence. Dans l’âme, ils ne veulent voir qu’un phénomène secondaire qu’ils appellent volontiers un épi-phénomène.

Or, s’il en est ainsi d’un tout artificiel dont l’unité est purement logique, nous apprenons par une conscience intime qu’au contraire, en nous, il y a réellement quelque chose d’un et de simple qui se divise en des pensées et des volontés diverses, et, par une induction qu’autorise l’analogie de ce qui a lieu en nous avec ce que nous offre la nature et la marche même de ses phénomènes, nous jugeons qu’en celle-ci ce sont les multitudes phénoménales qui sont secondaires et que la primauté comme la priorité appartient en chaque être à une réelle unité.

À Speusippe, le successeur de Platon dans le gouvernement de l’Académie, qui concluait de l’œuf auquel remonte tout vivant et où l’on ne voit d’abord qu’une masse informe, que le beau et le bien n’arrivaient que tard, proposition toujours maintenue par la théorie matérialiste, Aristote répondait que le commencement, le principe n’était pas l’œuf, mais bien l’adulte dont l’œuf provient et dans lequel se trouve la perfection à laquelle parvient par degrés l’embryon que l’œuf contient. En sorte que c’est par la perfection, c’est par le bien et le beau que commence la vie. Aussi Aristote dit-il qu’en tout le meilleur est le premier.

C’est la maxime générale qu’il oppose à toutes les théories qui cherchent sinon dans le néant, au moins le plus près possible du néant les principes des choses. Ce n’est pas tout. Ce meilleur d’où tout part, il faut que ce soit, avant tout mouvement, ce qui imprime le mouvement. C’est ce que fait chez nous ce que, d’un terme métaphorique qui rappelle la nature du vent ou de l’air subtil, mobile et puissant, nous appelons notre âme (ἄνεμος, anima et animisme). Et de la conscience que nous en avons vient, quoique le moment nous en échappe, toute notre connaissance de cette chose aussi certaine que mystérieuse, la puissance motrice. Ajoutons qu’à l’idée de cette puissance est indissolublement liée celle d’une fin à laquelle tend le mouvement.

L’idée de cette fin, qu’on nomme cause finale, n’est qu’une abstraction détachée par l’entendement de l’idée totale de la causalité.

L’idée de la cause invisible, c’est celle qui seule explique, quel-