Page:Revue de métaphysique et de morale - 9.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8
revue de métaphysique et de morale.

identique au sujet. C’est le sommet où tend d’espèce en espèce, par les différents degrés de la vie, toute la nature et dont ces différents degrés sont de plus ou moins complètes imitations.

Aux différents états de l’existence la pensée, qui est aussi volonté, se reconnaît plus ou moins dans ses objets. Elle s’y reconnaît divisée, dispersée en diverses idées jusqu’à ce qu’elle y retrouve finalement son intégrale unité.

Toute la nature est comme faite d’ébauches plus ou moins réussies de cette suprême perfection, achevant, avant l’intégration finale, la différenciation.

À ce moment suprême la pensée, selon la formule aristotélique, est pensée de pensée.

Au fond donc la nature est un édifice de pensées. Les espèces qui apparaissent successivement avant que se révèle l’humanité sont des restitutions de plus en plus complètes du dessein primitif. C’est par degrés que l’âme arrive à se penser, ce qui est le summum : se penser, c’est-à-dire aussi se vouloir, s’estimer comme pensant, voulant, créant.

Au commencement le meilleur, c’est ce que proclame par son premier mot, avec la philosophie aristotélique, le plus philosophique des Évangiles en disant : Au commencement était le Verbe. Mais, du commencement à la fin, du plus haut au plus bas de l’Univers, une même formule contient tout, embrassant tous les degrés de la vie, la formule qu’a tracée Leibnitz en disant : Le corps même est esprit, seulement à la différence de l’esprit pur et parfait, esprit momentané, dépourvu de mémoire, disons aussi de prévision.

Si le meilleur est au commencement, s’il est le principe, comment comprendre qu’il ne demeure pas seul ? C’est, suivant Aristote, en se fondant sur l’expérience, qu’il est un principe non de mouvement seulement, mais aussi de repos ou d’arrêt. Dieu, a dit Plotin et a redit Descartes, est l’auteur de sa propre existence et en est le maître. Tout ce qui vient à exister a une cause, Dieu est la cause de soi. Aussi, comme il nous appartient de suspendre à notre gré l’exercice de notre activité, comme ce pouvoir appartient à toutes les puissances naturelles, ainsi qu’en témoignent le sommeil et les autres périodes de repos, ainsi et à plus forte raison appartient-il à Dieu d’abandonner, au moins pour un temps, comme l’a dit la théologie chrétienne, quelque chose de sa plénitude (se ipsum exinanivit).