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F. RAVAISSON.TESTAMENT PHILOSOPHIQUE.

Platon donne pour des êtres de simples attributs. C’est qu’il y a plusieurs sens du mot être, et ce doit être le commencement de la philosophie, qui a pour objet l’être, que de les distinguer.

Au temps de Platon, ajoute Aristote, on ne pouvait faire cette distinction. La dialectique n’était pas de force encore à considérer l’être à part des contraires. C’est ce qu’il prétendit faire en établissant, comme à l’entrée de la philosophie, la distinction des différentes catégories. C’était inaugurer, à l’encontre d’une théorie d’abstractions qui ne faisaient, comme il le dit, que doubler les objets qu’il s’agissait d’expliquer, une recherche de la réalité profonde qu’ils cachaient. Faire cette entreprise, c’était, en s’adressant, comme à la source de la vérité profonde, à la conscience, s’avancer dans la voie qu’avait ouverte l’antique héroïsme. Et qui était mieux préparé pour une telle entreprise que celui qui, versé dans la connaissance de toutes les réalités soit physiques, soit humaines, fut le précepteur du dernier des héros grecs, Alexandre ?

Aristote veut ainsi revenir de la sécheresse et insuffisance logique ou rationnelle à la richesse féconde de l’expérience, de la discontinuité à la solidarité, de l’artificiel au naturel.

Qu’est-ce que l’être proprement dit qui appartient à la première et la plus haute des catégories et qui est le centre auquel se rapportent toutes les autres ? C’est, répond Aristote, l’action qui peut expliquer la nature qui est tout mouvement.

Et en effet, remarque Cicéron, interprète ici comme partout de la philosophie grecque, ce qui ne fait rien ou n’a aucune action a bien l’air aussi de ne rien être. Si la pierre même existe, c’est que, dans la pierre aussi, il est quelque chose d’actif et de mouvant.

Maintenant, non seulement tout ce qui est agit, mais il a de plus cette propriété de tendre naturellement à se communiquer. C’est celle que possédaient au plus haut degré les plus grandes âmes, les âmes héroïques.

Dans la conscience, la pensée tend à se répandre en idées où elle se mire en quelque sorte et se reconnaît. Chaque vivant, parvenu à son point de perfection, tend à se reproduire comme pour prendre en ce qu’il engendre une plus pleine possession de son être.

L’être complet est l’esprit dont telle est la nature qu’en agissant il a la conscience de ce qu’il fait, de ce qu’il est. Au fond rien ne pense qui ne se pense quoique de manière et à des degrés différents. En Dieu seul la conscience parfaite de l’objet est entièrement